Le Musée national d’art moderne - Centre Pompidou consacre une exposition rétrospective à la peintre américaine Shirley Jaffe (1923-2016), artiste reconnue comme figure de l'abstraction, et plus précisément de la nouvelle abstraction, figurant à ce titre dans l'exposition "Elles font l'abstraction" qui vient de s'achever en ce lieu.
Installée en France où elle est arrivée après la Seconde guerre mondiale à l'instar de nombre de ses homologues et compatriotes notamment inscrits au mouvement de l'Ecole de New York, elle est néanmoins moins connue du grand public sans doute pour avoir été moins médiatique ou/et médiatisée.
Sous le commissariat de Frédéric Paul, conservateur en charge des collections contemporaines au musée, les oeuvres sont présentées dans un parcours chronologique par décennie depuis 1950 mais toutefois dépourvu de titrage pour éviter la catégorisation d'une oeuvre considérée comme singulière en gardant ses distances et sa liberté au regard des différents mouvements artistiques.
Shirley Jaff, de l'impressionnisme à la post-abstraction
L’accrochage permet de découvrir une production de six décennies de création qui connaît une évolution significative que les critiques articulent autour de ruptures radicales successives.
Tout commence dans les années 1950 avec des toiles que le commissaire inscrit dans la mouvance impressionniste.
Ensuite, dans les années 1960, avec le rejet de la catégorisation de "paysagisme abstrait" qui lui est attribuée, elle s'oriente vers l'expressionnisme abstrait privilégiant le geste et la matière dans une énergie spontanée avant la première rupture par leur abandon au profit de la géométrisation
et toujours de la couleur mais avec une application uniforme en aplats.
Dans la décennie suivante, entre expressionnisme, art concret et le Hard Edge painting, elle travaille sur une composition complexe de formes qui résulte d'un travail de réflexion préparatoire, tel que démontré par ses études avec des gouaches de petit format et son journal d'atelier, et procède à l'introduction de la couleur blanche.
Ce blanc qui va devenir une marque de fabrique par sa présence non seulement récurrente mais qui va constituer la matrice sur laquelle s'organise, sans affiliation avec l'abstraction lyrique, une superposition voire un télescopage de formes, de lignes courbes et droites, et de surfaces pour traduire le mouvement parfois chaotique.
La dernière rupture intervient dans les années 2000 avec l'irrégularité tant géométrique que chromatique avec des formes irrégulières et des combinaisons évoquant des idéogrammes qui annoncent l'insertion de calligraphies dans les années 2000 qui suscitent la qualification d'abstraction syntaxique.
A découvrir donc les caractéristiques picturales de Shirley Jaffe qui tiennent à une peinture autoréférentielle avec une absence de représentation, un spatialisme qui résiste à une approche intuitive et un colorisme abstrait pour traduire son rapport au monde.
Comme elle l'indiquait "Le but est de faire un milieu complexe (avec certaines limitations que je me suis imposée) qui, je l’espère, confronte le spectateur avec la nécessité de voir les rapports différemment, de les sentir différemment".
A voir en préambule à la visite :
le diaporama in situ de l'exposition "Shirley Jaffe - Flashback" au FRAC Auvergne en 2008
l'entretien avec Shirley Jaffe lors de son exposition au FRAC Auvergne en 2008
le diaporama in situ de l’exposition "United States of Abstraction. Artistes américains en France, 1946-1964" au Musée de Nantes en 2021
l'"Hommage à Shirley Jaffe" à la Galerie Nathalie Obadia jusqu'au 16 juillet 2022
|