Réalisé par Xavier Gayan. France. Documentaire. 52 minutes. (Sortie 11 mai 2022).
Si l'on a vu "Rencontres en Guyane", on sait que Xavier Gayan est un grand connaisseur de ce lointain département français. Pas simplement un connaisseur, mais aussi un passeur, qui, avec une modestie qui l'honore, s'évertue à le faire aimer aux métropolitains.
Dans ce deuxième film qu'il consacre à la Guyane, c'est par l'intermédiaire d'un personnage radieux, un érudit comme on n'en fera hélas plus, qu'il approfondit sa relation à ce territoire où il a vécu une partie de sa jeunesse. Il a eu, en effet la bonne idée de filmer deux ans avant sa disparition en 2020, Auxence Contout.
Dans les premières images du film, celui-ci se voit immortaliser par une statue devant une école, où il est fixé pour l'éternité assis en train de lire. On peut dire que le sculpteur a eu raison de le saisir ainsi, car celui qu'on appelait "Maître Contout", et qui, s'il avait été japonais, aurait sans doute été nommé "Trésor national vivant", fut tour à tour professeur, écrivain, conteur, historien.
Pendant soixante-dix ans, il aura étudié de fond en comble la culture guyanaise pour en recenser les proverbes. Mais pas seulement, car cet humanisme universaliste savait que pour collecter les 5 à 6000 proverbes du territoire, il fallait bien connaître le créole, ses origines, ses variantes, approfondir aussi sa connaissance des régions voisines, à commencer par les Antilles.
Bien connaître également la culture de la métropole. Celui qui fut un des premiers bacheliers guyanais, partit donc continuer ses études à Paris, puis enseigna au Cameroun, à Douala.
Ce mulâtre, métis de métis, avait du sang africain et hindou en lui. Avec une passion jamais éteinte, il s'est ainsi plongé dans les proverbes, les danses, le Carnaval de Cayenne, combattant envers et contre tout les lieux communs et les affirmations péremptoires.
Dans "Maître Contout - Mémoire de la Guyane" de Xavier Gayan, on n'aura pas seulement le plaisir de découvrir un vrai intellectuel mais aussi de voir la Guyane et la Guyanais, filmés sereinement sans chercher à "faire carte postale".
Peut-être pourra-t-on simplement regretter que le film soit trop bref et qu'on n'entende pas davantage Auxence Contout, surtout quand cet homme qui sait manier les mots fait d'une citation d'Einstein un proverbe qui résume ce contre quoi il a lutté toute sa longue et brillante existence sans se leurrer sur l'issue du combat :"On peut désintégrer l'atome... mais on ne peut pas désintégrer un préjugé". |