Comment ne pas être tenté par le premier roman publié en français d’un auteur américain encensé par le maître du roman noir Dennis Lehane ? La quintessence du roman noir, nous promet-il pour cette lecture. Et même David Joy, auteur que j’adore, embraye pour nous vanter les mérites de cet ouvrage.
A l’écriture de ce petit bijou de livre sombre se trouve un certain S.A. Cosby, auteur né dans le sud-est de la Virginie qui nous propose avec Les routes oubliées une petite merveille de lecture. Publié chez Sonatine, cet ouvrage noir, très noir fait une entrée fracassant sur la scène du thriller. On devrait entendre beaucoup parler de ce livre et aussi de son auteur.
Beauregard Montage a décidé de se ranger. Père de famille et mari aimant, il veut mettre derrière lui ses années de prison, son passé de chauffeur pour les petites frappes locales, et offrir aux siens la stabilité qu’il n’a jamais connue. Mais à Red Hill, petite ville rurale du sud-est de la Virginie aux tensions communautaires exacerbées, la vie d’un Afro-Américain ressemble encore souvent à un couteau planté sous la gorge. Et quand la pression financière se fait trop forte, Beauregard sait qu’il n’a plus le choix : il doit reprendre du service. Le coup semble gagné d’avance : un braquage dans une petite bijouterie, une fuite sur les chapeaux de roue, une piste intraçable. Sauf que le casse tourne mal. Et que la bijouterie en question appartient à un caïd du coin, prêt à tout pour se venger. Pour Beauregard, le compte à rebours est lancé.
L’histoire pourrait paraître assez classique, elle l’est sûrement un peu autour d’un type qui souhaite se ranger des affaires, de son passé de truand et qui doit reprendre du service. La construction de l’ouvrage par contre l’est beaucoup moins. On entre d’abord dans une longue première partie dans la construction du contexte et du personnage pour ensuite basculer dans un thriller qui vient replacer le roman noir. Au fil des pages, la violence se fait de plus en présente, portée par les mots de l’auteur et l’ambiance qui se dégage du livre. Les 200 dernières pages de la seconde partie sont véritablement portées par une furie incroyable qui fait qu’on les avale très rapidement.
Comme dans les ouvrages de David Joy, on retrouve dans le livre de S.A Cosby une place prépondérante donnée aux abandonnés de la société et une critique virulente des Etats-Unis et de leur politique des laissés pour compte. Le racisme, la délinquance sont très présent dans l’ouvrage, parfaitement analysé et décrit. Une fois encore, c’est un très grand roman sur l’Amérique rurale, bien loin de l’Amérique urbaine que l’on retrouve sur les cartes postales. Une Amérique rurale qui souffre terriblement du libéralisme qui la rend petit à petit exsangue.
C’est donc un très bon premier roman que nous propose cet auteur afro-américain que l’on va maintenant devoir suivre de près, faisant confiance à Sonatine qui pourrait nous proposer dans les années à venir de nouvelles publications de lui. |