Texte de Michel Onfray, adaptation de Dominique Paquet, mise en scène de Patrick Simon avec Michelle Brûlé,
Eric Charon et
Christian Drillaud
Suscité par son expérience avec une diététicienne revêche, "Le ventre des philosophes" de Michel Onfray plonge dans les estomacs des philosophes pour démonter un éventuel lien de causalité entre la nourriture ingérée et la pensée régurgitée, causalité qui avait déjà été pressentie par Brillat-Savarin au 18ème siècle dans son fameux aphorisme "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es" et affirmée par Marinetti, initiateur du mouvement littéraire du futurisme, qui écrivait en 1912 : "On pense, on rêve et on agit selon ce qu'on boit et ce qu'on mange".
Et comme Platon, Michel Onfray nous invite à un banquet, celui des philosophes qui est riche en enseignement.
Dominique Paquet a réussi une adaptation théâtrale tout à fait remarquable de cet ouvrage dense, érudit et amusant, et Patrick Simon une mise en scène au cordeau avec une scénographie ingénieuse et ludique qui fait de ce spectacle un moment de grand bonheur.
Michelle Brûlé, en cuisinière accorte aussi intelligente que sensuelle, mène son petit monde de penseurs à la casserole avec détermination et légèreté maniant aussi bien le regard enjôleur que la contradiction pour finir en grande prêtresse de l'éther initiée par l'homme de Barcelone.
Face à elle, nos philosophes filent doux. Au menu, Diogène, "le carnivore pétomane et onaniste" chantre du cru, Rousseau "le paranoïaque herbivore" adepte des pique-niques rustiques, Kant "l'hypocondriaque austère" fanatique de la moutarde, Nietzsche "le purificateur de l'alimentation prussienne" aux poches remplies de saucisses et Sartre, "le philosophe du visqueux" obsédé par les crustacés et fruits de mer.
Eric Charon et Christian Drillaud alternent de succulentes compositions extraordinairement réalistes et vivantes. De quoi en réconcilier plus d'un avec la "philo" et changer notre regard tant sur les grands penseurs que notre approche de leur œoeuvre mais aussi par ce survol historique sur l'évolution de la diététique.
Cela donne un spectacle jubilatoire qui mérite bien … trois étoiles ! |