Monologue dramatique écrit par Stéphanie Jasmin et interprété par Julie Le Breton dans une mise en scène de Denis Marleau.
Au centre de la scène, un rocher tel un empilement d'immenses galets noirs constitue le point d'ancrage d'une femme dont la position coïncide avec le point de fuite d'un plan-séquence panoramique en mode zoom extrêmement lent tel qu'il est créé par la configuration spatiale des trois écrans-kakémono sur lesquels il est projeté. Une femme qui relate, sans linéarité chronologique, différents moments de sa vie, une vie particulièrement longue puisque centenaire, en séquences ordonnées par les dix commandements profanes d'un cathéchisme laïc de bonne conduite des femmes, qu'elle a fait sien, celui édicté dans les années 1940 au bon temps de "l'american way of life" par la journaliste américaine Dorothy Dix dont les chroniques anesthésiantes essaimèrent hors des frontières étasuniennes. Sous l'apparence de proto-technique d'une méthode d'épanouissement personnel, ces préceptes constituent en réalité un code d'acceptation et de résignation en conformité avec le statut de la femme, de la condition féminine et d'un certain idéal féminin . Intitulée "Les dix commandements de Doroty Dix", la partition monologale écrite par Stéphanie Jasmin, également signataire de la scénographie, s'inscrit dans un registre plus littéraire, et d'obédience woolfienne, que dramatique et se déploie sur le mode du flux de pensée. Et, en l'occurrence, désincarné, au sens où est exclue la chair qui exulte et sans évocation démonstrative des sentiments, privilégiant le prisme de l'intellect et de la réflexion rétrospective notamment pour illustrer comment, sous les contraintes de faire bonne figure en donnant une image heureuse, le mot "image" ressortant à la récurrence, cette femme trouve un espace à soi, un espace de liberté d'autant plus précieux qu'il est limité. Et nonobstant le titre original du vademecum, "Ten dictates for a Happy Life", point de bonheur qui, en tout état de cause, ne saurait ressortir à la recette de cuisine. Tout au plus de brefs fulgurances de joie.
Sous la direction de Denis Marleau, la comédienne québécoise Julie Le Breton dispense une belle prestation en totale intériorité et adéquation avec le texte et avec les flux et reflux de la vie de celle dont il porte la voix. |