Pour cette nouvelle Soirée Découvertes Théâtrales organisée par la Société littéraire de la Poste, après la présentation, en chansons, d'un projet de comédie musicale, "De l'autre côté du soleil" écrit par Mitzi Bravine et Françoise Casamata sur des musiques de Tony Rallo, Xavier Jaillard reçoit une très grande dame du cinéma, de la télévision et surtout du théâtre en la personne d'Hélène Duc à l'occasion de la publication de ses mémoires sous le titre "Entre cour et jardin".
Xavier Jaillard : Nous sommes très heureux, fiers impressionnés de vous recevoir et surtout très impressionnés.
Hélène Duc : Oh? Moins que moi. Je suis émerveillée, troublée, et pleine d'interrogations. Car j'ai découvert l'existence de la Société littéraire de la Poste qui a été créée il y a 101 ans. En voyant ce vrai théâtre, ce spectacle, qui nous parle du soleil. Et le soleil est vraiment à Paris quand on a des soirées comme celle-ci. Et je dis : "Vive la France!".
Xavier Jaillard : J'ai essayé de résumer votre carrière mais c'est impossible. Comment avez-vous fait pour travailler autant?
Hélène Duc : Je ne sais pas.
Xavier Jaillard rappelle qu'Hélène Duc à 88 ans.
Hélène Duc : Oui. C'est maintenant que je commence à faire une carrière.
Xavier Jaillard : Dès les années 50, on trouve votre nom à l'affiche de films célèbres comme"Les grande manœuvres", "Le déjeuner sur l'herbe", "Le caïd". Vous avez aussi beaucoup joué à la télévision et fait remarquable on vous retrouve dans la 2 ème version des Rois Maudits 33 ans après la première. Et puis vous avez beaucoup joué au théâtre. Aujourd'hui, nous vous recevons à l'occasion du livre de Mémoires que vous publiez sous le titre "Entre cour et jardin".
Hélène Duc : J'y parle beaucoup de moi. J'ai effectivement beaucoup joué au théâtre mais le théâtre m'a souvent tenu éloigné de Paris. J'ai commencé par des compagnies provinciales. Paris ne me voulait pas. Parce qu'il ne me connaissait pas. Paris préfère les personnes connues.
Xavier Jaillard : Le titre "Entre cour et jardin" est bien sûr lié à la scène car il désigne les deux côtés de la scène. Et vous avez écrit un vrai roman avec une belle plume d'auteur qui parle de vous avec pudeur et un grand sens de la formule.
Hélène Duc : Merci, Monsieur. Mais j'ai déjà été enthousiaste, je ne veux pas être émue.
Xavier Jaillard : Il est difficile de parler d'un livre de mémoires, aussi citerai-je 2 phrases que vous écrites et qui m'ont marqué. La première : "Ces planches que je brûlais peut être, qui me consumaient sûrement."
Hélène Duc : Effectivement je les ai brûlé toute ma vie et ce métier demande beaucoup d'énergie. J'en ai eu beaucoup et j'en ai encore pas mal. Ces planches, chez moi qui suis née à Bergerac, s'appellent des bordelaises car ce sont de simples planches posées sur des barriques, des tonneaux.
Les 13 et 14 juillet, il y avait une représentation de la Comédie Française et de l'Opéra de Paris. Et je pensais à l'époque, alors que j'étais enfant, que cela voulait dire la scène. Cette expression est tout à fait jolie et correspond aussi à une réalité du passé avec les scènes ambulantes.
Xavier Jaillard : Mais ces planches ne consument pas tout le monde.
Hélène Duc : Oui. Mais c'est un métier que je ne conseillerai à personne. Xavier Jaillard : La seconde phrase est : "Je porte le poids d'une grande carrière ratée".
Hélène Duc : Oui, c'est vrai. En raison surtout des atouts que j'avais comme ma taille, ma voix, la compréhension des textes grâce aux études que j'avais suivies. J'avais beaucoup de mémoire et une sensibilité qui faisait que je "sentais" les textes. J'ai aussi eu la chance d'avoir une mère qui avait très bien compris mon désir d'être comédienne. Elle m'a dit : "Si tu passes un bachot médiocre tu iras à Bordeaux. Si tu passes un vrai grand bachot, tu iras à Paris".
J'ai donc passé un vrai grand bachot à 15 ans et demi et je suis venue à Paris.
J'allais souvent au théâtre, ce qui m'a donné une grande culture, et j'ai vu les plus grands acteurs de cette époque qui jouaient des auteurs fantastiques qu'on ne joue plus aujourd'hui et qui racontaient de grands drames magnifiques mais aussi humains.
J'aurais pu faire une grande carrière. Je vous raconte une anecdote drôle. Il y a un film dans lequel je suis bien, c'est "La chasse à l'homme" qui réunissait tous les grands acteurs français : Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Jean-Claude Belmondo et le gros méchant, comment s'appelait-il? Ah oui, Bernard Blier.
Et un soir, en rentrant chez moi, la fille me prévient que je dois me préparer pour partir en Grèce après demain. Je me voyais déjà jouer un rôle à la Irène Papas. Je me suis donc habillée tout de noir et j'arrive ainsi chez le producteur où il y avait aussi le réalisateur Edouard Molinaro. En me voyant, ils ont un air sinistre. J'ai donc dit : "Me suis-je trompée?". Et ils me répondent : "Oui. C'est pour jouer la tenancière du bordel le 1-2-2". |