Réalisé par Peter Kerekes. Ukraine/Tchéquie/Slovaquie. Drame. 1h33 (Sortie 14 septembre 2022). Avec Maryna Klimova, Iryna Kiryazeva et Lyubov Vasylyna.
Bien entendu, le film devrait s'appeler "107 mères" ou plutôt "107 mamans". Il aurait eu forcément plus de spectateurs... et il les mérite malgré ce manque d'à-propos de son distributeur. Car "107 mothers" de Peter Kerekes est un petit bijou humaniste.
Sur le papier, rien n'est gagné : on est en Ukraine, dans une prison d'Odessa qui aurait été citée par Michel Foucault lui-même comme prison représentative du style "panoptique". Une prison de surcroît pour femmes qui ont tué leurs maris et qui sont avec leurs enfants, en attente de savoir si elles pourront les garder ou s'ils seront confiés à des familles d'accueil...
Mais, très vite, on va s'apercevoir qu'on est très loin des événements actuels, même si le film rappelle ce que, jadis, les Femen démontraient : les rapports hommes-femmes en Ukraine ne sont pas meilleurs que les rapports entre Zelenski et Poutine.
D'ailleurs, Peter Kerekes est slovaque et, bien que formé au documentaire, il ne prétend ici à aucun réalisme. On ne saura jamais si sa prison fonctionne comme la vraie prison d'Odessa. On y verra dans un style qui rappelle les meilleurs films tchécoslovaques de Jiri Menzel et de Véra Chytilova (dont "Les Petites Marguerites" ressortent aussi) une série de saynètes aussi drôles qu'émouvantes.
Et surtout des personnages truculents, qui finissent par rire de leur propre maladresse alors qu'ils devraient plutôt en pleurer. En fait, tout devrait être pathétique, mais la patte de Peter Kerekes saisit d'une caméra bienveillante l'amour de ces femmes, qui ont vécu avec des hommes brutaux, pour des enfants qui, si elles les perdent, finiront par devenir eux aussi des bourreaux ou des victimes, perpétuant le cercle infernal de la violence conjugale.
Plus intéressant encore, le réalisateur fait d'une gardienne au physique ingrat le personnage central de son film. Elle qui vit avec une mère tyrannique, qui n'a pas de perspectives pour trouver un mari et avoir des enfants s'approprie symboliquement cette ruche pleine de bébés et de bambins.
Comme on est à Odessa sans bombardements des uns et des autres, on aura un plan sur les escaliers, les fameux escaliers du "Cuirassé Potemkine". On espère que d'autres films aussi poétiques et originaux que celui-ci pourront s'y tourner ou re-tourner très vite et avec des mamans qui ne tueront plus leurs maris que la guerre pourtant n'aura pas, on s'en doute, calmer question violence et coups.
En attendant on prendra espoir sur "107 Mothers" de Peter Kekeres, sur cette fiction vraiment formidable, pour rêver de jours meilleurs dans un monde slave démilitarisé et plein de bébés babillant de nouveau joyeusement. |