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Interview  (Paris)  24 mars 2006

Pour la première fois en France, est montée une pièce de John Cassavetes. Marc Goldberg a assuré la traduction et la mise en scène de "A woman of mystery" au Vingtième Théâtre avec Myriam Boyer dans le rôle principal.


Pourquoi ce choix de monter une pièce de John Cassavetes?

Marc Goldberg : Il y a 2 catégories de metteurs en scène : ceux qui montent des classiques, et veulent se rendre intéressants sur des classiques ce qui ne m'a jamais intéressé car je ne trouve pas que j'ai quelque chose à dire sur les classiques, et les autres. D'ailleurs aucun metteur en scène n'a quelque chose d'intéressant à dire sur les classiques. J'ai bien vu quand j'étais jeune des classiques montés par Vitez ou Mnouchkine mais je trouve que depuis ça tourne en rond.

Et donc plutôt que de me croire original, je cherche des textes inédits Je pense que c'est plus intéressant pour les spectateurs. Effectivement pour le metteur en scène ce choix lui permet moins de se rendre intéressant car on voit moins le travail du metteur en scène. Pour ma part, j'essaie de rester le plus discret possible. Ce qui m'intéresse c'est d'être au service d'un texte. Je passe mon temps soit à monter des auteurs contemporains, donc des textes que personne ne connaît ou des textes inconnus d'auteurs connus. J'ai monté une pièce de Zweig (ndlr : "Un caprice de Bonaparte") qui n'avait jamais été montée ainsi qu'un texte de Gombrowicz (ndlr : "Le trans-Atlantique").

Je me doutais que les pièces de Cassavetes seraient intéressantes parce que son cinéma à un rapport profond avec le théâtre. Quand j'ai appris qu'il y avait des pièces de Cassavetes, je les ai cherchées et j'ai mis une dizaine d'années pour les trouver. Et quand je les ai lues, je n'ai pas été déçu. J'ai été surpris car c'est encore plus surprenant que ce à quoi on peut s'attendre. Mais on ne peut rêver mieux en tant que metteur en scène que de révéler au public un texte aussi étrange.

Cela étant, vous avez indiqué dans une interview que la difficulté résidait dans l'obtention de l'autorisation de les jouer.

Marc Goldberg : Effectivement. Les textes ne sont pas publiés et ne sont pas disponibles. Les ayants droit de Cassavetes ne souhaitent pas que n'importe qui puisse les lire et a fortiori les monter. Réussir à entrer en contact avec eux est déjà un chemin de croix. Cela a duré 10 ans et a été rendu possible par un invraisemblable concours de circonstances. Restait ensuite à les convaincre des intentions. Je suis allé à New York pour m'en expliquer.

Quels sont les arguments qui selon vous ont pesé dans la balance pour qu'ils donnent leur accord?

Marc Goldberg : Il faudrait leur demander. Je leur ai présenté mon projet qui consistait à monter cette pièce non pas dans un théâtre privé car je voulais garder le pouvoir de décision sur la distribution notamment pour le rôle principal, sur le décor, la lumière et que je ne m'inscrivais pas dans une démarche commerciale. Je pense qu'ils ont été sensibles à cet aspect de ma démarche. Je leur ai précisé que je ne disposais pas de producteur et que je produirai cette pièce moi-même, ce qui a dû leur rappeler des souvenirs. Par ailleurs, je leur ai bien précisé qu'il ne s'agissait pas de rendre hommage à Cassavetes, ni de singer l'univers de ses films ou les comédiens de Cassavetes mais de monter cette pièce dans mon propre univers. Donc sont-ce ces raisons qui les ont influencé favorablement ou parce que j'ai les cheveux bouclés? Je n'en sais rien.

Vous avez également indiqué que vous avez "commencé" par "A woman of mystery". Cela veut-il dire que vous souhaitez en monter d'autres ?

Marc Goldberg : Oui. J'ai commencé par "A woman of mystery" car c'est la plus "accessible", la plus classique même si elle est déjà très particulière. J'espère monter la prochaine dans 2 ans quand j'aurai trouvé le financement nécessaire.

Y a-t-il une possibilité que les ayants droit de Cassavetes viennent voir votre travail ou y aura-t-il une captation de la pièce pour leur envoyer?

Marc Goldberg : Ils m'ont demandé des nouvelles de la première. Par ailleurs, toute captation est interdite. Je sais qu'ils ne se déplaceront pas spécialement pour venir voir ce spectacle. Mais si Gena Rowlands vient au Festival de Cannes et qu'elle soit à Paris, je ne serai pas surpris de la voir venir au Vingtième Théâtre. Je sais qu'elle a demandé des nouvelles de la première ce qui atteste de son réel intérêt pour ce spectacle.

Quel est votre sentiment sur l'attitude des ayants droit, en général, qui reçoivent par héritage des œuvres d'art, des textes ou autres et qui refuse de les porter à la connaissance du public à qui elles étaient destinées ?

Marc Goldberg : Je pense qu'il n'y pas de règle générale en la matière. Bien sûr quand un artiste laisse des directives précises sur le sort de ses œuvres après sa mort, il faut les respecter. En même temps, on sait bien que si Max Brod avait respecté les consignes de Kafka il n'y aurait pas eu de publication des oeuvres de Kafka. Donc il a peut être eu raison de trahir les dernières volontés de son ami. Mais je n'en sais rien.

Si le refus des ayants droit réside uniquement dans le fait de vouloir se rendre intéressants en jouant les gardiens du temple, cela ne me paraît a pas très acceptable. En l'espèce, il s'agit de Gena Rowlands qui fait partie intégrante du processus créatif de Cassavetes donc personne ne peut contester sa décision. Elle a sacrifié sa vie avec C ssavetes, film après film, pour cette oeuvre-là et elle fait ce qu'elle veut. Ce n'est pas à moi de lui dire comment se comporter.

Vous avez dit que vous souhaitiez garder le pouvoir de décision pour le choix des comédiens et notamment du rôle principal. Donc du choix de Myriam Boyer.

Marc Goldberg : Il y avait beaucoup de façons de monter le texte et cela dépendait fondamentalement de la comédienne. Pour moi, Myriam Boyer était un axe enthousiasmant. En premier lieu, c'est quelqu'un que l'on ne peut pas comparer à Gena Rowlands qui avait créé le rôle, ce qui est primordial car cela écartait toute comparaison. C'est l'aspect juvénile qu'elle dégage. Elle a l'air d'une enfant par moment et en même temps elle est marquée par la vie. Je trouvais cela intéressant par rapport au personnage.

Sur scène, on ne sait pas quel âge elle a. Elle a par moment 12 ans, à d'autres 70, et parfois elle est sans âge. Elle a cette énergie de vie qui transparaît en permanence. Donc pour incarner ce personnage mystérieux, elle apportait des mystères supplémentaires et une vie permanente qui fait le lien entre toutes les scènes qui constituent des rencontres et non une histoire au sens classique du terme. Comme il n'y a pas de trajectoire du personnage il faut une comédienne qui soit capable de nous captiver pendant toute la durée du spectacle. Myriam Boyer a cette capacité et elle prouve tous les soirs.

Pourquoi Myriam Boyer?

Marc Goldberg : Je l'avais vue jouer mais je ne la connaissais pas. C'est surtout une rencontre. Et puis ce qu'elle m'a dit de la pièce après l'avoir lue, comme l'humour juif qui y est présent. Ce sont des éléments comme celui-là qui m'ont fait penser que cela pouvait bien se passer.

Et elle vous a donné facilement son accord?

Marc Goldberg : Oui, cela a été très rapide.

Vous avez traduit et adapté ce texte. John Cassavetes a-t-il laissé des indications de mise en scène ou s'agissait-il d'un texte brut ?

Marc Goldberg : Il s'agit d'une simple traduction. Il n'y a pas eu d'adaptation. Le texte comportait de nombreuses didascalies mais je n'en n'ai respecté quasiment aucune. Je pense que c'était d'ailleurs la manière d'être fidèle à Cassavetes. Il ne s'agissait pas de reproduire le spectacle qu'il avait en tête. Par rapport aux indications originales, j'ai supprimé l'intervention d'un pianiste qui jouait dans une scène qui se passait dans une boite de nuit branchée par exemple.

Mais je sais que Cassavetes ne respectait pas forcément ses propres indications. J'ai respecté le texte bien évidemment mais je pense que les didascalies relèvent de la liberté du metteur en scène. J'écris moi-mêmeet j'insère le minimum de didascalie pour cette raison. Tout en respectant le dialogue et le sens, il appartient au metteur en scène d'inventer l'action.

Comment avez-vous travaillé ?

Marc Goldberg : Cela s'est fait très facilement. Plus facilement que jamais. Nous avons travaillé à la table tous ensemble afin d'éclaircir certains points. Et il s'est trouvé que nous étions sur vraiment sur la même longueur d'ondes. Il y a des scènes difficiles dans cette pièce donc ce n'est pas facile pour autant mais tout le monde a travaillé dans le même sens car il n'y avait pas d'ambiguïté sur le sens profond de la pièce et cela même sur des détails. C'était un vrai travail collectif et un immense plaisir pour moi.

La question est un peu prématurée mais avez-vous déjà d'autres projets de mises en scène notamment de vos propres textes ?

Marc Goldberg : Tout le travail sur cette pièce suscite aussi des questions profondes sur l'écriture. Cette pièce est effectivement difficilement "racontable" car elle est en rupture avec l'histoire de la littérature. Et c'est de cela dont il faut parler. Car depuis l'origine de la littérature, on nous fait croire que la littérature doit raconter la vie des héros, c'est-à-dire des vies construites avec un début, un milieu et une fin. En gros, on veut nous faire croire que la vie est un roman ou un film hollywoodien.

Et même plus profondément j'ai envie de dire qu'on veut nous faire croire que la réalité fonctionne comme les histoires de Walt Disney et les contes. Et souvent les gens lisent des romans et viennent au spectacle pour se conforter dans cette idée et un peu pour s'attrister sur leur propre vie qui bizarrement ne ressemble pas à cela. Et bien évidemment, leur vie ne ressemble pas à cela car la vie n'est pas un roman.

Ce dont parle Cassavetes dans ses films comme dans cette pièce c'est de la vie. Et pas sous la forme mensongère d 'un roman ni d'une pièce classique, même s'il l'appelle une pièce en 3 actes, s'il s'amuse à nous faire croire qu'il s'agit d'une histoire policière avec des millions cachés dans une valise ou une trame psychologique avec une fille abandonnée. Cassavetes nous dit : "Arrêtez de vous comporter comme des gamins! Arrêtez d'attendre de la vie ce qu'elle n'est pas. La vie n'est pas autre chose qu'une série d'instants et une série de rencontres.".

D'où la difficulté d'en parler car les mots nous manquent et la critique littéraire a fondé toute sa théorie sur une forme d'écriture classique et presque religieuse, théologique. Or Cassavetes massacre toute cette illusion. Et c'est un des premiers à le faire. De plus, il ne s'agit pas d'un massacre sous la forme délibérée de créer des anti-héros ou des anti-histoires.

Il nous dit simplement : "Prenez exemple sur cette femme qui est censée être une anti-héroine et qui est une héroine. Vivez, faites comme elle et dites Demain sera le plus beau jour de ma vie. Rencontrez des gens, aimez, foutez-vous des autres, cassez les structures sociales, soyez des adultes ! Arrêtez de vous comporter comme des enfants à qui on raconte des contes de fées!". I va bien falloir un jour trouver les mots adéquats pour en parler.

Pratiquez-vous cela dans votre écriture ?

Marc Goldberg : Je suis pathétique dans mon écriture. Mes pièces sont très mauvaises (rire). Non, justement. Cette mise en scène remet beaucoup de choses en question pour moi. Comme quand j'ai monté du Gombrowicz. Ce sont de vrais auteurs modernes contrairement à la plupart des charlatans que je lis. C'est d'une extraordinaire profondeur sur la condition de l'homme moderne et sur la narration. J'espère bien écrire différemment maintenant.

 

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La chronique de la pièce "A woman of mystery"


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