Monologue dramatique d'après le texte d’Elfriede Jelinek, mise en scène de Ludovic Lagarde, avec Christèle Tual et Pauline Legros.
En tenue de ville la comédienne Christèle Tual s'assied sur une chaise tulipe blanche seul élément mobilier du dispositif scénique en forme de white box conçu par Antoine Vasseur.
Et, après le juste silence de concentration, elle dispense un monologue au format long mis en scène par Ludovic Lagarde dans le registre du flow théâtral avec la composition musicale éthérée de Wolfgang Mitterer.
Une incontestable performance introduite par un prologue radicalement rageur évoquant une enfance brisée par la maltraitance psychologique dans une famille dysfonctionnelle avec deux parents toujours haïs à défaut de résilience.
Cette situation est celle qui a été vécue par Elfriede Jelinek, écrivaine et dramaturge autrichienne récipiendaire du Prix Nobel de littérature 2004, qu'elle met en résonance avec l'épisode biblique du sacrifice du fils unique demandé par Dieu à son père Isaac pour tester sa foi mais dont le bras meurtrier a été arrêté par l'archange Gabriel.
Mais point d'ange pour elle dans son passé ni de présence de cette salvatrice créature céleste dans le monde contemporain dans un opus, écrit à chaud après l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, et considéré comme un pamphlet dénonciateur des dérives du pouvoir et de la violence mortifère annonciatrice d'une inéluctable apocalypse.
Dans sa traduction française sous le titre "Sur la voie royale", et tel qu'il résulte de l'adaptation opérée par Ludovic Lagarde, avec la collaboration à la dramaturgie de Pauline Labib-Lamour, le texte se présente comme une litanie de proférations, imprécations et anathèmes sur les sujets socio-politiques actuellement en houleux débats conflictuels.
Et son propos philosophico-politique autour du ressassement des thèmes et concepts du sens de la vue, et son corollaire d'aveuglement au soutien du déni du réel, et de la vision, dans sa définition liée au projet non seulement politique ontologique comme dans celle du voyant-augure, s'ordonne sous obédience du tragique antique mais avec la pratique usuelle d'Elfriede Jelinek de déconstruction des mythes pour y substituer sa mythologie personnelle.
Ce qui confère au spectacle une inquiétante étrangeté exacerbée par la mise en scène de Ludovic Lagarde.
En effet, la partition se décline formellement par la caricature grotesque de plusieurs personnages réels, au demeurant jamais nommés à l'exception d'une terminologie générique, celle de "Roi", ou fictifs, mais néanmoins identifiables et dont la primeur doit être laissée au spectateur, apparaissant par travestissement à vue de l'officiante grâce à l'intervention technique de la maquilleuse et habilleuse Pauline Legros et, ponctuellement, un masque réalisé par Cécile Kretschmar.
Et Christèle Tual la porte de manière époustouflante. Du grand art. |