Réalisé par Philippe Faucon. France/Belgique. Drame historique. 1h22 (Sortie 12 octobre 2022). Avec Théo Cholbi, Mohamed Mouffok, Pierre Lottin, Yannick Choirat, Omar Boulakirba, Mehdi Mellouk et Amine Zorgane. Qui ose encore dire que les Français ne font pas des films sur leurs guerres coloniales, et particulièrement la guerre d'Algérie, contrairement aux Américains qui, dès 1976, ont traité du Vietnam ?
Sûrement pas ceux qui ont déjà vu certains films de Philippe Faucon, et notamment "La Trahison" (2005).
Une fois pour toutes, il faut rappeler que le cinéma étasunien raconte à chaud la guerre, et le plus souvent du point de vue de ses troupes, puis considère le problème traité (sur le Vietnam, seul Kubrick y reviendra avec Full Metal Jacket) alors que le cinéma hexagonal prend son temps, puis, le temps venu y revient régulièrement, en choisissant de s'intéresser à des personnages différents (combattants, civils, colons, etc).
"Les Harkis" de Philippe Faucon est sans doute le premier film sur la guerre d'Algérie qui s'intéresse "aux supplétifs algériens" pendant la Guerre d'indépendance algérienne (1954-1962), membres d'une unité appelée "harka", comme il est précisé juste après le générique.
Comme toujours, Philippe Faucon est fortement influencé par le cinéma de Robert Bresson mais de film en film, il pousse de moins en moins son bressonnisme vers trop de rigueur. "Les Harkis" est donc composé essentiellement de plans séquences. Cependant, ici, ils sont assez courts et pourraient être assimilés à de saynètes.
Pendant presque tout le film, on est en extérieurs, avec une photo où les uniforme gris poussiéreux se marient à des paysages caillouteux. le réalisateur a pris le parti de suivre une colonne de militaires composée d'officiers et de soldats français et de harkis.
On va découvrir sur le terrain ce que "harki" veut vraiment dire. Comme souvent dans les films français situés en Algérie, Philippe Faucon et ses coscénaristes, Yasmina Nini-Faucon et Samir Benyala, ont choisi d'être très didactiques. Il ne s'agit pas de rallumer de vieilles querelles ni de braquer une communauté contre une autre.
Cela se caractérise par des propos souvent signifiants qui sont chargés d'expliquer le contexte avec le moins de mots possibles, car par essence les militaires français ou algériens sont peu loquaces.
Très important, le dialogue ne paraît pas comporter des idées qui pourraient choquer les divers protagonistes. Philippe Faucon a choisi habilement de situer son récit durant les trois dernières années du conflit.
Les harkis, voyant le départ des Français devenir une possibilité, commencent à douter de l'avenir, craignent que l'armée française les abandonne et qu'ils soient, eux et leurs proches, l'objet de terribles représailles.
Chacun, dans "Les Harkis" de Philippe Faucon a ses raisons. On ne jette aucune pierre à ces combattants qui ont choisi la France par intérêt, conviction ou par suite d'exactions du FLN dans leurs villages. Jadis, ils étaient montrés sans nuances comme des "traîtres". Le cinéaste, lui, décrit des hommes perdus, pris dans la nasse de l'Histoire quand la défaite approche.
Quant aux militaires français, certains n'aiment pas l'idée de devoir abandonner à leur sort tragique, ces hommes avec qui ils ont partagé de rudes moments. Ils prendront des initiatives qui limiteront les massacres annoncés.
Mesuré, maître de son film, bon connaisseur de son sujet, Philippe Faucon signe une œuvre humaniste qui, sans conteste, est l'un des plus réussis sur la période. On encourage les spectateurs potentiels à venir enfin comprendre cette guerre non enseignée à l'école et découvrir ce qu'il est advenu de ceux qui avaient combattu du côté des occupants.
"Les Harkis" de Philippe Faucon ne devrait pas générer de polémiques. De belle facture, passionnant sur le fond, il n'est jamais ennuyeux. On peut aller jusqu'à dire que c'est un bon film de guerre. Un qualificatif plutôt rare pour un film français. |