Monologue dramatique d'Antonio Tarantino interprété par Paul Minthe dans une mise en scène de Jean-Yves Ruf.
Un banc, seul élément tangible de la scénographie minimaliste presque clinique de Laure Pichat sous les lumières douces de Christian Dubet pour dessiner un lieu indéterminé, peut-être davantage un espace mental, celui de l'homme qui s'assied, un homme d'un certain âge en tenue endimanchée tenant une urne funéraire.
Et il va parler sous l'effet d'une urgence absolue se demandant comme il va annoncer à sa femme la mort par suicide de leur enfant, un fils travesti et prostitué qu'ils ont renié.
Ainsi Jean-Yves Ruf met en scène un opus du dramaturge italien Antonio Tarantino qui, nonobstant son titre à la résonance cultuelle ressort au profane toutefois investi d'une mythologie personnelle.
Les "Vêpres de la Vierge bienheureuse" d'Antonio Tarantino se déploient en bouleversant monologue polyphonique auquel il donne la dimension d'un tragique contemporain pour raconter des vies défaites, un deuil inconsolable et un amour paternel exprimé à retardement.
Et la partition se déploie en une bouleversante mélopée pour transmuer la douleur en fierté, le reniement en pardon, la peine en espoir, et la parole frustre d'un plébéien, vendeur ambulant vivant d'expédients, petits trafics et cambriolages, de la classe des "bâtards, cul-terreux, sales porcs", au soutien d'un discours polymorphe.
Entre soliloques, flux de pensées et prière pour un défunt, supplique, imprécation et plainte, et oscillant entre burlesque et pathétique, la partition ressort au chant d'amour accompagné d'un vademecum pour guider le défunt fils vers le monde des morts, un royaume paien de la paix de l'âme, mais conditionné au succès d'une ultime épreuve après la traversée du fleuve par un passeur monnayé rétribué, la fameuse pièce d'or cachée dans la bouche, celle du jugement dernier délivré par la puissance déique de la Commission des Grecs.
Jean-Yves Ruf dirige le comédien Paul Minthe qui dispense une époustouflante prestation sans surjeu naturaliste et notamment dans les fulgurances conservées en langue originale dans la traduction de Jean-Paul Manganaro, et plus précisément en patois transalpin hermétique pour les non initiés, qu'il délivre avec une scansion slamée.
Une performance maîtrisée et virtuose : du grand art. |