Drame de Tom Holloway, mse en scène d'Aurore Kahan, avec William Astre, Sarah Cotten et Corinne Valancogne.
Trois nuances du mal-être existentiel, tel pourrait être l’autre titre de "Ciel rouge. Matin." la pièce de Tom Holloway.
Trois personnages - le père, la mère et la fille - y composent en effet une polyphonie à fleur de peau de leurs doutes, angoisses, regrets, dans un enchevêtrement millimétré de mots tout à la fois fascinant et malaisant.
La pièce s’ouvre sur le père rentrant chez lui après une journée de travail. Seul, il évoque à tatons la beauté de la nuit et la force de ce qu’il ressent à imaginer dormir ses deux êtres les plus chers dans la maison.
Dans le lit, la voix de la femme s’élève soudain et se mèle peu à peu à celle de son mari. Désir, honte, frustration surgissent lentement de leurs deux monologues qui se répondent sans s’écouter.
Quand la fille entre en scène au matin, l'équilibre délicat change à nouveau et les trois personnages construisent alors un récit à plusieurs voix, parfois inaudibles, parfois dominantes et qui jette alternativement la lumière tantôt sur les personnages sans que les autres cessent pour autant d’exister ou de s’exprimer.
Dépression du père, solitude et alcoolisme de la mère, bouillonnement adolescent de la fille, chacun est enfermé dans sa bulle et n’arrive ni à voir ni à être vu des autres membres de cette famille au bord de la crise de nerf.
Aurore Kahan propose une mise en scène digne d’un chef d'orchestre, s’appuyant sur la scénographie minimaliste de Joffrey Roux qui délimite habilement trois espaces de cohabitation qui s'entremêlent grâce à une planche en bois, un tissu de fond de scène et le jeux de lumière de Johanna Boyer-Dilolo et Titiane Berthel.
Les comédiens sont extraordinaires. William Astre, le père, fait preuve d’une grande sensibilité, tandis que Corinne Valancogne, la mère, pleine d’une rage désespérée, incarne avec brio une féminité refoulée.
Sarah Cotten, la fille, offre également une prestation remarquable d’une adolescente dépassée par ses propres émotions, sentiments et une compréhension aiguë et douloureuse du monde qui l'entoure.
Aurore Kahan présente une version aussi puissante que douloureuse de ce drame familial très original dans son écriture et sa transposition au plateau. |