Réalisé par Lucas Delangle. France. Drame fantastique. 1h32 (Sortie 2 novembre 2022). Avec Thomas Parigi, Edwige Blondiau et Lou Lampros.
Y aurait-il enfin un fantastique à la française ? Après "Méduse" de Sophie Lévy et avant "Une Montage" de Thomas Salvador, "Jacky Caillou" , le premier films de Lucas Delangle le laisse espérer.
Dans ces films, on ne trouvera pas pléthore d'effets spéciaux. A chaque fois, c'est l'esprit qui compte en premier, suivi de peu du contexte naturel ou artificiel. Enfermés dans une maison ou, au contraire, s'enfonçant dans une nature magistrale, les personnages sont comme possédés par les lieux et les êtres.
Filmé dans les Alpes, haut dans les Alpes, "Jacky Caillou" regorge de paysages hors du commun, à commencer par les chemins caillouteux de montagne qu'empruntent Jacky et sa grand-mère Gisèle ,la magnétiseuse. Leur complicité est évidente et l'on sent chez la presque vieille dame l'envie de transmettre ses savoirs à son petit-fils, qui ne sait pas encore très nettement qu'il a lui aussi le don.
Dans ce paysage d'élevage ovin, le mouton est théoriquement roi. Sauf qu'ici règne un prédateur mystérieux, un loup sanguinaire, à la limite du sadisme. Les plans d'agneaux morts en viennent à gâcher la beauté des paysages et la bonté des êtres.
Evidemment Jacky va se retrouver au centre du drame avec l'apparition d'une jeune fille fascinante. Sans trop révéler les choses, il y aura de la lycanthropie dans l'air. Pas très client des films Hammer et de leurs avatars modernes, Lucas Delangle ne filmera pas les allers et retour de l'humain à la bête et de la bête à l'humain, mais les fera suggérer sans ambiguïté.
Tout le film se refuse aux entre-deux. A chaque étape de l'évolution de Jacky et de celle de sa patiente, les faits parlent : il devient de plus en plus un magnétiseur, elle une louve.
Dans son premier rôle, Thomas Parigi est limpide, tout à son personnage qu'il in carne d'un bloc jusqu'au moment où la jeune fille prend possession de son esprit : il veut la guérir ou la sauver des hommes réclamant sa mort... Mais est-ce possible ?
On sent chez ce néo-comédien une grande force qui, s'il décide de continuer à jouer, cache peut-être aussi de belles réserves de fragilité. A la mesure de ce rôle, on le voit plutôt en solitaire, en paysan qui ne s'en sort pas, en assassin à la Pierre Rivière.
Cela ne veut pas dire que son physique étrange le condamne à des rôles de composition ou des personnages du passé. Lucas Delangle a l'intelligence de le confronter à la modernité , et ce n'est pas un hasard si on lui voit conduire, et très vite, un quad dans de très beaux plans de routes de montagne.
"Jacky Caillou" de Lucas Delangle est une plongée dépaysante dans une contrée reculée, celle qu'on suppose ne pas capter la 4 ou 5G et appartenir aux déserts médicaux. Pour autant, le réalisateur n'en fait pas un lieu invivable et archaïque. Au contraire, on perçoit des solidarités entre des populations éparpillées qui ne croient pas mordicus aux guérisseurs et aux bêtes du Gévaudan.
On sent d'emblée qu'il n'a pas plaqué la réalité de son scénario n'importe où. Le film habite ses paysages, les restitue dans leur beauté sans chercher à les interpréter. Il y a une constante simplicité qui permet au fantastique de prendre corps sans paraître factice. |