Troisième film de Dupontel derrière la caméra, après "Bernie" et "le Créateur", "Enfermés dehors" est pour le moins attendu. Attendu frénétiquement, au tournant, ou avec impatience, c'est selon.
En perpétuelle recherche d'improbables, Dupontel creuse ici le sillon découvert sur "Bernie", à savoir la rencontre entre la réalité et les gens désœuvrés, les SDF. Les gens délocalisés physiquement et affectivement, à la recherche de leur identité. Si "Bernie", film devenu culte à la hauteur de "C'est arrivé près de chez vous", oeuvrait dans le trash cynique (Ces coups de pelle…) sans complexe, "Enfermés dehors" ouvre le débat. Le pitch ?
Un SDF, incarné par Dupontel, trouve un uniforme de flic suicidé, et, à la suite d'une incompréhension de la police, revêt l'uniforme tant pour aider les plus marginaux (l'excellente Yolande Moreau dans le rôle de la SDF) que pour aider une femme rencontrée au poste (la sublime Claude Perron , compagne dans le film et à la ville). Une approche déroutante et burlesque, qui entraîne Dupontel l'acteur dans nombre de gags hilarants le rapprochant plus du Tex Avery ou des Chuck Jones que de la satire sociale auquel moult journalistes voudront l'associer. Un vrai moment de bonheur innocent avec des rebondissements improbables, tourné dans un univers paradoxalement noir et urbain, banlieusard et déshumanisé. Style Evry par un jour de pluie froide, pour les connaisseurs…
Les clins d'œil à ses fidèles restent – heureusement - omniprésents sans être pressants. Du Monthy Python période "Sacré Graal", avec une inénarrable scène de bus écrasant Dupontel, à Chaplin et la capacité de Dupontel à jouer sur la mimique et le non-dit. Meilleur récompense artistique possible, Terry Gilliam et Terry Jones font une apparition dans le rôle de clochards. Apparition hilarante cela va de soit. C'est la consécration d'un cinéma parallèle, fait d'humour et d'utopie, de réalisme et de noirceur. Un film à triple lecture, ludique pour l'enfant comme l'adulte.
Un vrai Chaplin des temps modernes en deux mots, qui permet à Dupontel le réalisateur de rebondir après le flop en salle du Créateur. Pas de coups de pelle dans la tronche, mais une bonne claque dans la gueule, sur fond de love story entre Dupontel et Claude Perron. Ce qui devient presque une habitude lassante. "Bernie", "Le convoyeur", et maintenant "Enfermés dehors", voient les deux amoureux se retrouver, ou se perdre.
Une belle manière cela dit, de donner de l'espoir dans la tourmente cérébrale du bouillonnant réalisateur. Cuts agressifs, montage frénétique (850 plans en dix semaines de tournage), effets spéciaux ahurissants au regard du budget… "Enfermés dehors" prend par le col de chemise et ne vous lâche qu'à la sortie du film, sur lequel le groupe Noir Désir a encore une fois collaboré (le merveilleux Oublié de Tostaky, "En route pour la joie" également).
Encore une histoire de rencontres. Ce garçon a de la chance d'être brillant, il illumine ses semblables.
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