Comédie dramatique écrite et mise en scène par Mélody Mourey, avec Patrick Blandin, Pierre-Yves Bon, Ariane Brousse, Guillaume Ducreux, Marine Llado et Karina Marimon.
Après "Les Crapauds fous", sur le thème de l'héroïsme ordinaire en temps de guerre, et "La Course des Géants" dédiée à la conquête spatiale déclinée avec les tropismes du "good feeling" étasunien, qui ont connu un beau succès tant public que critique, Mélody Mourey présente l'opus "Big Mother" dont le titre, par sa résonance avec un homologue masculin, le Big Brother orwellien, annonce la thématique.
Celle de la société de surveillance et de la démocratie totalitaire dénoncées de manière alors considérée comme dystopique par l'écrivain George Orwell dans son roman "1984" paru en 1949 des années.
Et aujourd'hui devenue la réalité contemporaine de la post-démocratie à la faveur de la propagande devenue une effective manipulation des masses grâce aux technologies numériques, avec les pratiques du Big Data, et à la toute puissance des cabinets d'expertise, de communication et de stratégie qui officient dans tous les domaines du merchandising à la politique.
Mélody Mourey procède avec une pratique émérite du syncrétisme par la combinaison de différents genres théâtraux, le brassage de nombreuses thématiques, dont, et entre autres, le rôle de la presse 4ème pouvoir, les turpitudes de la politique politicienne, la réflexion camusienne sur la fin et les moyens, la pratique du story-telling et l'abrutissement volontaire des masses sollicitant la quiétude du prêt-à-penser, et l'imbrication d'une pluralité d'intrigues mêlant faits sociétaux et histoires individuelles.
Elle a ainsi conçu une partition, qu'elle qualifie de thriller politico-journalistique, articulée autour d'une procédure de destitution diligentée, de surcroît en période de campagne électorale, à l'encontre du président des Etats Unis en place suite aux révélations concernant sa vie sexuelle et de l'enquête menée par d'opiniâtres journalistes d'investigation sur la véracité de ce pourrait être une "deepfake".
Cette fresque-épopée se déploie en scènes brèves aux dialogues percutants, incluant punchlines et traits d'humour, s'enchaînant à la manière du "short-cut" dont Mélody Mourey assure une efficace et adéquate mise en scène cinétique en mode zapping propice à mobiliser l'attention du spectateur.
Elle est soutenue par la scénographie d'Olivier Prost qui déjoue la difficulté liée à la pluralité des lieux dans lesquels interviennent les nombreux protagonistes par la projection, en fond de scène d'un plateau "black box", de photographies en mode pêle-mêle, l'insertion de quelques vidéos réalisées par Edouard Granero et les lumières spots d'Arthur Gauvin tout comme la bande-son de Simon Meuret instille haletant tempo rythmique.
Au jeu, une distribution de six comédiens - tous excellents - campent une vingtaine de personnages. En multirôles souvent dans une immédiateté frégolienne, Karina Marimon, Marine Llado et Guillaume Ducreux réussissent une belle performance.
Ils figurent également au rang des principaux protagonistes en compagnie de Patrick Blandin, en rédacteur en chef aux prises avec sa fille (Marine Llado, experte en communication engagée par le fondateur d'un nouveau parti politique interprété par Guillaume Ducreux) et son adjointe (Karina Marimon), Pierre-Yves Bon, en journaliste fils du directeur du journal et amoureux transi d'une consoeur opiniâtre Ariane Brousse. Donc une réussite d'autant que le non-dénouement incite à la réflexion. |