C’est devenu une agréable habitude que celle de nous faire voyager au gré des publications des éditions La Croisée. L’Amérique il y a quelques temps avec le formidable ouvrage Abondance, la Pologne bientôt avec une publication début mars dont je vais vous parler bientôt et l’Iran en ce mois de février.
L’Iran est un pays particulier, sous le feu de la critique à l’égard du pouvoir répressif en place. Répressif au point de bannir l’ouvrage de Mahsa Mohebali, une autrice condamnée par le régime. Mahsa Mohebali est née en Iran et a écrit plusieurs romans et nouvelles, tantôt bannis ou acclamés dans son pays. Elle a résidé un temps aux USA et vit de nouveau à Téhéran. Elle a été arrêtée l’année dernière par l’armée iranienne, à cause de ses écrits dont Teheran Trip, aujourd’hui publié en français. Après 4 mois d’interrogatoire, il lui a été donné interdiction de quitter le territoire iranien jusqu’en décembre 2024, d’écrire et de donner des interviews publiques.
L’ouvrage a pour personnage principal une jeune femme iranienne, Shadi, en rébellion contre sa famille. Shadi se drogue pour échapper à sa mère qu’elle déteste et pour oublier son avenir fortement compromis, au cœur de la capitale iranienne, secouée par des tremblements de terre.
Le temps d’une journée folle, alors que la population fuit Téhéran pour échapper aux violentes secousses sismiques, Shadi fait le mur, habillée en garcon pour echapper à la loi du Hijab. Elle nous embarque dans le Téhéran underground, celui d’une jeunesse perdue qui brave les lois de la société et les normes établies. Dans cette ville en plein chaos, les jeunes vont tenter de prendre le pouvoir.
A la lecture de cet ouvrage, on ne peut être surpris de la décision prise par le pouvoir iranien d’interdire l’ouvrage de Mahsa Mohebali. L’ouvrage de l’auteure iranienne est bel et bien un ouvrage qui parle des jeunes iraniens, de leurs soucis, de leurs envies, de leurs doutes et de leurs regards sur la vie.
Si l’auteure décide de placer Téhéran sous les secousses sismiques (le pays est évidemment sujet aux tremblements de terre), c’est aussi pour une dimension symbolique, celle de montrer la précarité du pays et les nombreux interdits que subissent les populations. Le roman, l’écriture de l’auteur s’adapte aussi à ce contexte, ponctuée de secousses plus ou moins importantes.
L’auteure prend le risque avec cet ouvrage de nous montrer les réalités de la vie iranienne, au travers de Shadi, de son non-respect des codes imposés par le régime. Les femmes dans Teheran Trip ne sont pas soumises et silencieuses, elles refusent les règles et la soumission, elles sont dans le combat permanent contre la société iranienne.
Teheran Trip aborde de nombreux sujets qui déplaisent au pouvoir en place comme l’homosexualité féminine, l’histoire politique d’avant 1979, l’existence de couples non mariés, les jeux d’argent, l’alcool et la droguer qui sont consommés par les jeunes, toutes les interdictions bravées par une partie des iraniens. On sait que le pouvoir sait ce qui se passe, laissant plus ou moins ces pratiques se faire tant qu’elles restent discrètes, pour conserver une façade religieuse conforme à la république islamique.
Teheran Trip est ouvrage coup de poing, un texte qui ose parler des sujets interdits, qui a pour objectif de briser les tabous pour venir à bout des lois rétrogrades que la république islamique impose à ses populations.
On ne peut que saluer cette auteure iranienne pour son ouvrage percutant, superbement écrit et terriblement d’actualité alors qu’il a été écrit en 2008. Il est aujourd’hui un souffle d’air frais et de liberté dans la littérature iranienne. |