Difficile d'imaginer en voyant cet éternel adolescent qu'est Thomas Fersen que la soixantaine le menace.

Quelque chose en lui nous ramène immanquablement au monde de l'enfance et à sa mythologie naïve. C'est d'ailleurs le sujet principal de son spectacle au théâtre de l'Athénée. Le chanteur reprend sur scène les passages de son livre Mon frère, c'est Dieu sur Terre qui décrit ses années d'enfance et d'adolescence en compagnie d'un frère, double hypothétique et fantasmé de l'artiste.

On connaît tous le talent de Thomas Fersen, son aisance avec la langue française, sa plume alerte, son humour et sa poésie. Ici, le texte est déclamé tout nu, le plus souvent sans musique et les vers aux rimes précises prennent alors toutes leur valeur pour nous régaler de leur tendresse et de leur drôlerie.

La gouaille de Thomas, sa voix éraillée aux accents bellevillois, sa fausse nonchalance, nous enchante de bout en bout, nous fait rire, nous émerveille et nous procure une joie sans faille.

La mise en scène de Jessica Dalle et Benjamin Lazar, discrète mais inventive permet à notre imagination de décoller, côtoyant par moments Thomas enfant, que ce soit à la piscine municipale ou dans le salon d'une coiffeuse au physique mémorable ou simplement dans sa chambre parisienne.

Un trio de musiciens brillants l'accompagne dans ce journal de bord rêvé, une accordéoniste (Maryll Abbas), une violoniste (Cécile Bourcier) et un guitariste (Pierre Sangra), qui ponctuent avec beaucoup de talent les mots de l'artiste. Par moments même, la chansonnette est poussée, rappelant que Thomas Fersen est avant tout un chanteur. Des classiques de son répertoire réapparaissent, comme des balises en haute mer, pour sans doute permettre au public de garder quelques repères et de rester en pays connu. Les chansons s'accommodent parfaitement au récit, comme si elles avaient été écrites pour l'occasion.

Ce spectacle particulier, à mi chemin entre le théâtre et le tour de chant a pour premier avantage de nous rappeler que Thomas Fersen, sous ses faux airs d'éternel grand Duduche est avant tout un auteur brillant qui manie la langue française comme personne et qui semble tellement à l'aise avec les vers rimés qu'on l'imagine mal dans la vie de tous les jours parler en prose.

Ce spectacle, voyage en enfance et en poésie est un enchantement et on en sort heureux et attendri. À Paris jusqu'au 04/03/2023, puis en tournée en France jusqu’en mai 2023. À ne pas rater !