Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme d'August Strindberg, mise en scène et adaptation Philippe Calvario, avec Benjamin Baroche, Philippe Calvario et Julie Debazac.
Dans l'hôtel où il séjourne avec sa femme Tekla, actrice célèbre qu'il a fait connaître et qui suit un stage de développement personnel sur cette île suédoise, Al le metteur en scène de théâtre reçoit la visite d'un de ses amis : Gustave, un acteur avec qui il a failli travailler.
Dans l'attente de celle qu'il a façonnée et qui maintenant va jouer ailleurs, il ne cesse de se plaindre. Sans le soutenir le moins du monde, Gustave va plutôt lui casser le moral et tenter de le décourager. Mais qui est-il vraiment ?
Dans cette tragi-comédie de la fin du 19ème siècle, August Strindberg avec "Créanciers" dissèque un triangle amoureux où la manipulation atteint des sommets. Deux hommes s'estiment créanciers de la même femme qui "leur a tout pris sans rien leur donner".
La vision de la femme de Strindberg pour le moins misogyne paraît aujourd'hui bien dépassée. Il n'en demeure pas moins que son texte est un thriller efficace dont le rythme ne cesse de s'intensifier jusqu'au dénouement.
Pour sa mise en scène, Philippe Calvario a tenu à moderniser l'action. Celle-ci se déroule par ailleurs dans une scénographie plutôt sobre autour d'un canapé en cuir. Et un rideau au fond laisse voir quelques images (car Al veut se mettre au cinéma).
Dans une version oscillant entre vaudeville et drame psychologique, si on excepte une première partie qui tend parfois un peu à s'essouffler, le metteur en scène propose un suspense soutenu et un duel triangulaire sans manichéisme aucun, où les torts semblent partagés. Toute la dernière partie est absolument réussie.
Il compose lui-même un metteur en scène sur le déclin, maniaco-dépressif et plein de fragilités. Face à lui, Benjamin Baroche est fascinant en manipulateur pervers.
Enfin, Julie Debazac est absolument magistrale dans le rôle de Tekla où elle montre toute l'étendue de son talent. Son personnage donne de la femme un rôle moins ingrat que celui écrit par Strindberg. Un brillant trio de comédiens pour un combat cruel dont tout le monde ne sortira pas indemne. |