Monologue dramatique d'Alexandre Horréard mis en scène et interprété par Laurent Charpentier.
Habitué aux textes de Philippe Minyana, dont il a joué "Frères et sœurs" l'an passé, Laurent Charpentier a eu l'envie d'affronter une écriture nouvelle, cette fois d'un auteur plus jeune. Il a porté son choix sur "Grand Duc" d'Alexandre Horréard.
Sa mise en scène et son interprétation contribuent pleinement à effacer les défauts que contient fatalement un texte provenant d'un auteur beaucoup moins aguerri à l'écriture théâtrale et qui a choisi comme sujet un monologue "policier", genre beaucoup moins facile qu'il n'y paraît et qui nécessite une grande rigueur.
Le héros de "Grand Duc" est un inspecteur de police qui "n'aime pas les scènes de crime" comme il le dit d'emblée. Appelé pour constater la mort d'un certain "H" dans son bain, il va être servi en termes de "scène de crime" puisque celui-ci a été retrouvé dans sa baignoire un couteau planté dans le cœur.
Mais l'inspecteur-narrateur, qui n'aura pas d'empreintes ni d'ADN puisque le couteau était recouvert d'eau, doute qu'il puisse s'agir d'un crime. "H" n'avait-il pas, par ailleurs, des pulsions suicidaires ? Il va devoir interroger quelques-uns des proches de la victime pour déjà déterminer s'il y a ou non crime.
De la femme de ménage à l'un de ses amis, le voilà menant son enquête, un calepin en main. Les témoins adorent ça, dit-il, car cela leur donne vraiment l'impression d'être dans une enquête... Lui, semble-t-il sous-entendre, se demande s'il en mène bien une.
Au milieu du plateau, il y a un grand quadrilatère avec un rideau face au public. A chaque événement, il le tirera, dégageant un autre espace avec un autre rideau qu'il tirera à son tour à la prochaine rencontre.
Avec ce dispositif, on pourrait croire qu'on s'enfonce dans un labyrinthe infini et dérisoire, laissant aussi à penser que la personnalité du défunt n'a guère d'intérêt et en a de moins en moins au fur et à mesure de l'avancée vers la résolution de l'enquête. Devant ce Monsieur-tout-le-monde sans relief, l'inspecteur se reconnaît finalement assez bien...
Et l'on arrive bien sûr au point de bascule attendu : n'assiste-t-on pas à une auto-enquête ? Si on se laisse guider par la voix du policier, on acceptera ce retournement, comme le rôle énigmatique du rapace dans une pièce à qui il donne son nom...
Au fond, l'écriture d'Alexandre Horréard rappelle certains textes de l'époque "Nouveau roman" qui auraient pris une forme théâtrale sans vraiment le souhaiter.
Le brio de la mise en scène de Laurent Charpentier et la belle conviction qu'il met à défendre un texte pas forcément à la hauteur de son talent doivent être saluées. On peut s'attendre à ce que la collaboration entre les deux hommes se poursuivent. Nul doute que "Grand Duc" n'est qu'une étape nécessaire pour aboutir à un résultat plus consistant. |