Le Musée Jacquemart-André propose une immersion dans la Renaissance italienne et plus précisément à son apogée du Quatrocentto avec l'exposition dédiée à l’œuvre de Giovanni Bellini (1435-1516) ressortant à la prestigieuse Ecole vénitienne.
Une monstration que les commissaires Neville Rowley, conservateur à la Gemäldegalerie et au Bode-Museum de Berlin, et Pierre Curie, conservateur au Musée Jacquemart-André, ont ordonné en un parcours chrono-thématique ordonné autour d'une cinquantaine d’œuvres issues de collections publiques et privées européennes.
Et ils l'ont placé sous l'angle dynamique et réflexif des influences qui ont contribué à l'élaboration de l'esthétique de l'artiste ce qui n'est pas le moindre de ses intérêts.
La maniera moderna de Giovanni Bellini
En effet, la (dé)monstration permet d'apprécier le langage pictural de Giovanni Bellini, résultant du syncrétisme créatif éclairé et inspiré qui soutient l'évolution d'une production sur dix décennies placée sous le signe d'influences successives.
Et ce, en contrepoint de sa réputation hagiographique attribuée par certains historiographes de l'art qui le créditent de la création du "style vénitien" et l'érigent en figure tutélaire fondatrice de la prestigieuse Ecole vénitienne qui perdure jusqu'au 18ème siècle, procédant en sus par une approche comparée avec l'oeuvre de ses contemporains au demeurant facilitée par la similitude des sujets traités de manière récurrente et la stéréotypie de leur représentation.
Nonobstant le genre du portrait officiel pour lequel Bellini était notoirement apprécié, l'exposition est centrée sur celui de la peinture de dévotion pratiquée par le maître du colorato.
Une peinture qui résulte d'un agrégat d'influences successives telle celle de la peinture byzantine et ses codes de l'icône miniaturiste avec le fond doré, la figure figée aux expressions appuyées et la gestuelle orientale.
"Vierge à l'Enfant" de l'école crétoise - Giovanni Belllini "Vierge à l'Enfant"
1470 , "Vierge à l'Enfant" 1485
Les premières influences sont intra-familiales. Celle de son père, Jacopo Bellini, peintre de renom de la première Renaissance de formation gothique. Giovanni Bellini "Vierge à l'Enfant en trône" - Jacopo Bellini "La Vierge d'Humilité", "L'Annonciation"
Ensuite; celle de son frère aîné Gentile, portraitiste officiel de l'élite vénitienne et et "peintre des cérémonies" qui introduit le mouvement.
Gentile Bellini "La Vierge à l'Enfant (Madone de Constantinople)" et "Annonciation" - Giovanni Bellini "Vierge à l'Enfant en trône"
Enfin, celle de son beau-frère Andrea Mantegna, peintre officiel de la Cour de Padoue et formé à l'Ecole florentine à qui il emprunte la rhétorique picturale tenant notamment à l’humanisme dramatique, avec la forme sculpturale du corps et l'expressivité pathétique, l'ancrage dans le monde antique et et la rigueur de la géométrie en perspective.
Giovanni Bellini "Sainte Justine Borromée" -
Andre Mantegna "Vierge à l'Enfant entre saint Jérôme et saint Louis de Toulouse" - Giovanni Bellini " Vierge à l'Enfant"
D'où le lien avec la peinture padouane et surtout son changement de style, dont une palette chromatique claire,le travail sur la lumière et la facture douce du modelé, avec l’arrivée à Venise d’Antonello de Messine, un des précurseurs italiens de l'émergence de la peinture de paysage avec l'arrière-plan atmosphérique.
Antonello de Messine "Christ soutenu par trois anges" - Giovanni Belllini "Christ soutenu par deux anges"
A ces influences transalpines s'ajoute celle de la peinture du Nord de l'Europe qui use de la nouvelle technique de la peinture à l'huile que Bellini va substituer à celles traditionnelles de la tempera et à la détrempe.
Et 'il intègre avec une remarquable subtilité iconographique les tropismes des Primitifs flamands aux termes d'affinités électives notamment avec Jan Van Eyck et la figure du Christ.
Andrea Mantegna 'Jésus-Christ" - Giovanni Bellini "Christ bénissant- Hans Memling "Le Christ bénissant"
Et Hans Memling pour le regard intérieur de la Vierge, sujet de prédilection qui lui a valu le surnom de "peintre des Madones".

Giorgione "Vierge à l'Enfant dite Madone Cook" - Giovanni Bellini "Vierge à l'Enfant' - Cima da Conegliano "Vierge à l'Enfant"
Bellini décline le naturalisme et le goût du détail pour soutenir la représentation du réel, ou du moins l'illusion de la réalité, tant des carnations et la sensibilité de la posture corporelle, et des sentiments que des étoffes avec une nouvelle intensité dramatique et le traitement conjoint des harmonies chromatiques et des effets atmosphériques de lumière.
Et sa religiosité trouve son épanouissement avec la dimension du double regard flamand et de la composition en terrasse avec deux plans dissociés mais complémentaires : le spirituel avec le motif biblique et le terrestre avec l''arrière plan paysager naturel au sens premier, au demeurant souvent anachronique avec le contexte spatio-temporel avec le sujet, tel celui d'une ville portuaire dans "La Vierge et l'Enfant entourés de saint Jean Baptiste et d'une sainte" et qui, par aillleurs, est instillé d'éléments qui ressortent à la symbolique religieuse.

Giovanni Bellini "La Vierge et l'Enfant entourés de saint Jean Baptiste et d'une sainte" - Cima da Conegliano "Vierge à l'Enfant avec un donateur" - Giovanno Bellini "Vierge à l'Enfant" 1500 - Cima da Conegliano "Vierge à l'Enfant"
A ne pas rater les panneaux des cinq allégories de Giovanni Bellini, le polyptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste de Hans Memling et "La Vierge et l'Enfant, dite Madone de Vérone" en papier mâché de Donatello.
A voir en préambule à la visite :
un diaporama des oeuvres de Bellini
en vidéo : trois conférences sur l'oeuvre de Bellini
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