Comédie musicale de Sacha Guitry et Reynaldo Hahn, mise en scène d'Emeline Bayart, avec Marc Labonnette, Clémence Tilquin, Sheva Tehoval, Emeline Bayart, Victor Sicard, Jean-François Novelli et Carl Ghazarossian accompagnés par l'Orchestre des Frivolités Parisiennes.
Il était une fois un coq en pâte parisien menant avec succès sa petite entreprise de chapellerie qui, exaspéré en son logis au milieu par un gynécée indiscipliné composé d'une poule insatisfaite, d'une fringante jeune poulette et d'une dinde domestique, envisage une escapade galante pour se détendre les nerfs pour laquelle il use de l'ancêtre des sites de rencontre que furent les petites annonces "sentimentales".
Avec cet argument classique de l'infidélité masculine, Sacha Guitry compose, dans le genre du lyrique léger et de la tragi-comédie, la partition aussi spirituelle que leste "Ô mon bel inconnu" créée en 1933 sur la délicieuse mise en notes de Reynaldo Hahn.
Et, comme abondance thématique ne nuit pas au bon auteur, ce fin observateur de la gent féminine, déclarant sa passion pour la Femme et sa très vive animosité contre les Femmes, opère une triplication basée sur sa typologie qui concourt au succès de ses comédies de moeurs.
Car, parmi les nombreuses lettres reçues tant sa proposition - "Monsieur célibataire et riche cherche âme sœur" - s'avère alléchante, le bonhomme reconnaît l'écriture des trois femmes de sa maisonnée, un constat qui le distrait de son but premier pour y substituer celui de les confondre à l'occasion d'une villégiature balnéaire qui s'avère riche en quiproquos et à l'heureux dénouement.
Ainsi, avec la première, il décline, avec une écriture aussi spirituelle que leste, l'adultère bourgeois, argument classique du vaudeville, avec la deuxième, le rêve de l'amour idéal pour la jeune fille, d'autant qu'en ce temps et dans ce milieu était de règle le mariage arrangé, et, pour la troisième, la quête intéressée du mari nanti pour quitter l'état ancillaire et changer de condition sociale.
Le divertissement est rondement mené par le chef d'orchestre Samuel Jean qui dirige l'efficace l'Orchestre des Frivolités Parisiennes, et par Emeline Bayart pour la mise en scène dans une superbe scénographie à deux étages dans le registre chromo des Années Folles, avec l'effet fenêtres de la publicité de Jean-Paul Goude pour le parfum "Egoïste" et d'amusantes trouvailles tel le lustre aux abat-jours haut-de-forme conçue par Anne-Sophie Grac qui signe également les élégants costumes.
Dans cette "boîte à jouer" comme qualifiée par Emeline Bayard dans sa note d'intention, un septet de comédiens-chanteurs bien distribués s'en donnent à choeur joie.
Pour les tribulations intra-familiales, sous l'oreille du confident muet campé le baryton Carl Ghazarossian remarquable en maître es-pantomime, le baryton Marc Labonnette en pater familias vengeur et les sopranos au belles tessitures Clémence Tilquin et Sheva Tehoval.
Le baryton Victor Sicard s'avère parfait en amoureux transi comme le ténor Jean-François Novelli hilarant dans deux rôles hauts en couleurs comiques, le séducteur tenace et le propriétaire infatué, qui avec Emeline Bayart au bel abattage de gouailleuse en bonne apportent une bienvenue touche de comédie bouffe.
Une réjouissante réussite pour entonner les couplets de "Qu’est-c’ qu’il faut pour être heureux ?"
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