D’aucuns useraient un opaque "c’est spécial" ou "c’est particulier", pour qualifier un plat de petits pois au capuccino ou une mayonnaise bleue. D’autres passeraient leur chemin, effrayés, déstabilisés ou simplement suspicieux face à un changement d’habitude, ratant de ce fait l’émerveillement de la découverte.
C’est un peu l’effet que procure La traversée d’un lac, "l’expérience littéraire" de Thierry Decottignies. Les premières pages vont assurément déséquilibrer ce que vous pensez connaître de la lecture. Si vous avez l’audace de vous accrocher, vous serez littéralement emporté par le fluide vital du roman. Un fleuve de sensations vous ballotera d’une rive à l’autre, tel un fétu de paille dans le décor d’une agonie au far west, sans garde-fou, erratique et fascinant.
Ecrit à la première personne, le roman est un voyage. Comme tous les romans allez vous me dire. Certes, mais dans ce voyage-là, vous pouvez oublier votre maillot de bain et vos chaussettes de rechange, La Traversée d’un lac est une balade extatique dans le cerveau perplexe et fasciné du narrateur.
Dans un hôpital ? Une pension pour cerveaux dérangés ? Un refuge pour esprits atypiques ? Je ne saurais dire précisément où les mots prennent vie dans ce roman, toujours est-il qu’une fois embarqué, le tourbillon est là, il vous habite à vous en faire tourner les sens. Et c’est terriblement enivrant, mystérieux, que sais-je, un saut en parachute dans une mer de brume, une déroute des sens et une ivresse innommable. Captivant. |