Comédie dramatique écrite et mise en scène par Wadji Mouawad, avec Odette Makhlouf, Wajdi Mouawad, Christine Ockrent, Aïda Sabra et en alternance Dany Aridi, Elie Bou Saba, Loucas Ibrahim.
A la fin des années 70, Wajdi Mouawad fuit avec sa famille le Liban en guerre et, tandis que son père restera au pays pour subvenir à leurs besoins, Wajdi vivra plusieurs années dans le 15ème arrondissement de Paris avec sa mère avant de rejoindre Montréal.
Avec ce spectacle largement autobiographique, Wajdi Mouawad continue le cycle "Domestique" débuté par "Seuls" et "Soeurs". Il y évoque sa mère Jacqueline qui, ne supportant pas le fait d'être coupée de son pays et de son mari, fait ressortir son angoisse par une tension constante.
Persuadée qu'ils rentreraient tous au Liban, celle-ci eu du mal à s'adapter à la vie en France. C'est à travers les nouvelles à la télévision qu'elle suit chaque jour la situation au pays. Entre les hurlements de la mère et les tubes des chanteurs de l'époque, le jeune Wajdi d'une dizaine d'années a bien du mal à trouver sa place en classe à cause de son niveau scolaire et du manque d'amour maternel.
Wajdi Mouawad représente ce meublé parisien des années 70 sur scène et, idée géniale, il fait jouer à Christine Ockrent son propre rôle. Celle-ci rentre dans l'appartement des Mouawad tous les soir à 20h, présentant le journal depuis le salon ou la cuisine et finissant par dialoguer avec la famille. La journaliste est parfaite de sobriété et de bienveillance.
Aïda Sabra incarne magnifiquement cette mère dont on sent toute la douleur et dont les seules choses qui la relient au pays sont les coups de téléphone et la cuisine. De très belles scènes la montrent en train de confectionner les spécialités libanaises. Et c'est même Christine Ockrent qui finira par donner un coup de main pour la préparation des Maamouls.
Odette Makhlouf, poignante, joue la soeur avec intensité et Eli Bou Saba est un Wajdi enfant bouleversant. Les comédiens évoluent avec beaucoup d'authenticité dans la scénographie brute et simple d'Emmanuel Clolus, délicatement éclairée par Eric Champoux.
Wajdi Mouawad, comme un ange gardien, déplace le décor, la plupart du temps invisible pour les personnages et apparaît pour une scène mémorable avec sa mère. Il revit toute l'aventure de ces années douloureuses mais dont, comme il le raconte, il saura faire une force et qui aboutiront à son oeuvre théâtrale.
Avec "Mère", une nouvelle fois Wajdi Mouawad continue avec humour et émotion son oeuvre sur la mémoire. Un très poignant portrait de famille d'où se dégage tendresse et passion. L'amour pour son pays d'origine éclate encore ici, célébré comme il se doit avec le magnifique banquet final. |