Spectacle de théâtre documentaire conçu et interprété par Salim Djaferi.
Avec de la ficelle et des planches blanches en polystyrène, Salim Djaferi a décidé de transformer en conférence une enquête sur un mot...
Une enquête internationale puisqu'elle l'a mené en Algérie, une enquête pas forcément facile ni sans danger puisque sa problématique consiste à trouver le bon mot pour traduire "colonisation" en arabe.
Jusqu'à maintenant, comme ses proches, Salim Djaferi utilisait un mot dérivé du français et qui n'était en fait qu'une légère déformation du mot originel : "koulounisation". Mais son enquête, méthodique, que certains décriraient un peu maniaque, va lui offrir d'autres solutions de la part de personnes nées de l'autre côté de la Méditerranée. Dès lors, il accrochera tout nouvel élément défini sur un fil qu'il a tiré entre deux projecteurs placés au centre de la scène.
Si l'on connaît le théâtre de Mohamed El Khatib, on peut penser que celui de Salim Djaféri s'en inspire. Comme lui, il recense puis décrit avec méticulosité toutes les étapes générées par son sujet, n'hésitant pas à se mettre en scène lui-même, à raconter le contenu de ses entretiens.
Sympathique, capable de ménager ses effets et de faire passer sa complice Delphine pour une personne du public, il aboutit à des résultats concrets - quoi que certains les trouveront assez triviaux ou attendus. "Colonisation" étant nécessairement un mot négatif pour ceux que la France était venue visiter pour les occuper ou les assimiler. il était évident qu'il serait remplacer par un autre mot, cette fois positif et décrivant le point de vue de l'occupé.
Alors que pour un Français, le mot décrit une période, quelle soit révolue n'empêchant pas qu'elle ait existé, sa disparition peut même impliquer que le phénomène n'ait pas la postérité universelle que l'on croyait.
Clair, limpide, toujours souriant, Salim Djafari parvient à capter l'attention de son public pendant plus d'une heure. Et, en feignant de se limiter à n'expliquer qu'un mot, un petit mot, il évoque sans trop paraître insister les ravages de la "colonisation"-"Koulounisation". Des ravages qui aboutissent à l'oppression d'un peuple par des forces d'occupation qui ont pour but de le faire disparaître.
Il parlera et jouera avec sa partenaire un entretien d'un général spécialiste de la torture. Tout naturellement, on apprendra l'autre mot qu'aura généré le mot étudié : révolution. Mais, comme le conférencier n'est pas manichéen, il montrera que l'Algérie est bloquée sur ce mot, ne s'en sort pas. Et ce qui, là-bas est officiellement nommé "révolution" et renvoie ici à "colonisation", est ce qui empêche encore le peuple en lutte de transformer ses révoltes en victoire.
Avec sa voix ironique et son humour à froid, Salim Djaferi offre un spectacle incarné et profond. Et l'on comprendra en fin de spectacle à quoi servent toutes ses planches en polystyrène. |