Retrouver Arman Méliès, c’est à chaque fois surprenant et familier. Et voilà 20 ans qu’il nous offre des voyages, dont lui seul a les cartes mais dans lesquels on ne se sent pas perdus. 20 ans, plus de dix albums dont le dernier, Laurel Canyon, tourne en boucle sur la platine. 20 ans et des collaborations notamment avec Julien Doré mais aussi Bashung et son maître à poétiser, Thiéfaine. La patte du franc-comtois est à chaque détour de sillon, sans enlever la singularité de sa plume et de ses compositions. Les textes d’Arman Méliès sont parmi les mieux écrits de cette scène chanson pop électro rock. "Je suis fort comme une femme", "Tiens bien ferme ta boussole" sur le superbe "Un Royaume" ou "Quand l’univers en nous s’étire"– à l’image de ce disque monde sur le titre qui clôt ce voyage, "Tombés dans la nuit".
Il nous surprend encore avec un double album, dans cette époque où les formats et les imaginations rétrécissent et où la frilosité fait sortir des projets piste par piste... "J’ai bien conscience qu’un tel album, double de surcroit, peut aujourd’hui paraître anachronique. C’est un disque dense et touffu, qui nécessite plusieurs écoutes pour en saisir toute la complexité. Ces chansons ont besoin de temps et d’attention pour se déployer, et trouver leur place" dit-il – car on oublie trop souvent que la musique, c’est du temps, et du silence – beaucoup.
Il nous surprend encore, avec moins de guitares, plus de claviers, de synthés, de textures. Il n’en reste pas moins que sa voix est reconnaissable entre mille, comme ses suites d’accords et ses contemplations mélancoliques.
On s’est laissé embarquée dans ce voyage dans le temps et l’espace. Certains claviers rappellent Ennio Morricone, les musiques de films des années 70. Il fait appel à Mondkopt sur l’hypnotique et captivant "L’atoll". Pour ses esprits, il convoque la voix habitée de Fredrika Stahl ("Haunted"), le flow sensible et unique d’Abd Al Malik ("Les Mondes périphériques"). Les voix parfois se fondent dans les textures, entre étrangeté et disparition : avec La Féline sur "Agora", Syd Matters et Pauline Croze sur "Neon Demon", Adrien Soleiman sur "Vanisher".
Ce qui est bien avec ce temps doublé de musique, c’est qu’on a la possibilité, la liberté, d’aller, de venir, de faire écho, de découvrir et d’être embarquée dans des histoires. Images et sons. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le pseudonyme qu’il a choisi est en référence au peintre Arman et au cinéaste Georges Méliès.
Obaké (esprits, fantômes… en japonais) est un très bel album et une superbe ode-movie.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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