Je ne fais que marcher dans la montagne
(Littoral Records) novembre 2023
Dans le désordre, une maison en cailloux à l’orée d’une forêt, un troupeau paisible, des fougères, un sentier, une voix, des percussions, un piano, des mots, des pensées. Fabien Martin est l’artisan de ce nouvel album Je ne fais que marcher dans la montagne, respirant le grand air et les espaces où il est possible d’étendre les bras sans mettre une droite à son voisin.
Je ne suis pas totalement d’accord, il ne fait pas que marcher dans la montagne, Fabien Martin la sublime dans son univers. Cet ensemble de percussions, saxophone, basse sont l’écho des pas sur une route forestière, la brume silencieuse accrochée aux cimes, le murmure d’un cours d’eau, mais aussi la formidable glissage dans une flaque de boue traitresse, parce que la mousse ça glisse et que les buissons de mûriers sont également des ronces acérées.
C’est dans les Hautes-Pyrénées que Fabien Martin a écrit et composé cet album, dans ce monde post-enfermé qui réinvente sa vie au naturel, ou du moins qui essaie en buvant du kombucha citron gingembre (il n’y avait plus de jus de pomme au frais), avec son téléphone et ses données. Il réussit à compiler avec sincérité ce que nous sommes, des êtres pétris de fantasmes qui n’avons pas toujours l’envergure de nos ambitions.
Le premier titre, "Mémos vocaux", est l’intérieur d’une maison au crépuscule, vu de l’extérieur, quand les lumières sont allumées et les volets pas encore fermés. C’est comme regarder dans une boule à neige, ça n’a rien d’exceptionnel en soi, mais ça reste magique. Il y a des bouts de nous, entre les listes de trucs à faire et les réflexions sur le temps qui passe, sur ce que nous percevons autour de nous et sur les petits bidules de rien du tout qui enchantent un quotidien.
Vous croiserez un réalisme tendance pessimiste au détour des textes. Fabien Martin porte ce regard blasé face à la société nombriliste, les yeux rivés sur les écrans, quand tout le monde se marche sur les pieds : "Si je suis honnête avec moi-même je sais que je suis capable de faire des choses bien, j’ai tout entre les mains et je ne fais presque rien" ("Honnête avec moi").
Des featuring avec Ours et Jeff Hallam, en français et en anglais, Je ne fais que marcher dans la montagne comporte également un joli duo avec Jil Caplan. J’aime ces moments où le piano reste et Fabien Martin prend la parole, pour se raconter, pour nous raconter, les portes qui claquent, le rocher qui se détache de la falaise, le compte-rendu d’hospitalisation, les goélands.
C’est le chemin qui compte au final, la destination importe peu, parce que les histoires, nos histoires sont faites de ça, des petits trucs mis bout à bout qui réjouissent ou agacent, et on avance, et on grandit, on a mal et on rit. Fabien Martin l’a compris, le temps qui passe dans toute sa grâce, avec sérénité et élégance. Je ne fais que marcher dans la montagne ne vous donnera pas envie de vous rouler par terre, ni de rouler pour les vegan, mais peut-être aurez-vous envie de vous vautrer pour avoir la fierté de savoir vous relever.
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