Spectacle écrit et mis en scène par Mélanie Charvy et Millie Duyé, avec Aurore Bourgois Demachy, Thomas Bouyou, Emilie Crubezy, Paul Delbreil, Virginie Ruth Joseph, Clémentine
Lamothe, Loris Reynaert & Etienne Toqué.
Avec son titre bizarre en français approximatif, "Qu'il fait beau cela vous suffit" pourrait rebuter. D'autant plus si l'on révèle que l'on va suivre une année scolaire complète en REP (Réseau d'éducation prioritaire) et que tout commence par une foire d'empoigne à l'Assemblée nationale (sans 49.3, heureusement).
Comme les huit acteurs de la compagnie Les Entiché.e.s, sont, de plus, chargés de jouer tour à tour ces politiciens, les professeurs et les élèves, que les deux responsables du projet, Mélanie Charvy et Millie Duyé, par ailleurs metteuses en scène, ont travaillé sérieusement la question des "REP", on pourrait craindre d' assister à du théâtre "documentaire" dans tout ce qu'il a de plus didactique.
Mais on peut, et même on doit venir, sans crainte : Mélanie Charvy et Millie Duyé ont trouvé la forme pour intéresser, amuser et émouvoir avec ce qui, sur le papier, pouvait, au contraire, être un constat désespérants sur l'état de l'école actuelle. On peut même dire qu'elles ont servi parfaitement la cause des REP que d'aucuns veulent supprimer et militer habilement pour une école que d'autres affublent de tous les maux et de toutes les tares. On y voit des personnages crédibles, des êtres chaleureux et empathiques, bien loin des profs démobilisés et presque incultes calomniés régulièrement puis érigés en saints laïcs quand le malheur survient.
Comme point de départ à l'intérêt soudain que porte le régime libéral en place à ces écoles de la dernière chance, il n'y a pas eu la mort d'un prof, mais un "coup de chaud" de l'un d'eux ayant pris sa classe en otage. Une nouvelle CPE, partageant les idées dominantes et les préjugés du ministère sur les REP, a accepté d'y aller voir pour y rédiger un énième rapport sur la question.
Evidemment, elle y trouvera de quoi bousculer ses certitudes libérales, se convertir à Bourdieu en moins de temps qu'il ne faut pour le lire. A l'image, du spectateur, elle se sentira finalement bien mieux au pied d'un volcan qui gronde que dans un système où les enfants définis par facilité comme difficiles n'ont aucun horizon sinon l'exclusion et la prison.
Pour réussir à passer aujourd'hui un petit message utopiste, il faut bien du talent. Et il ne manque pas dans "Qu'il fait beau cela vous suffit".
D'abord, la mise en scène est rythmée et grâce à des structures modulables, on change d'espace très vite, aussi vite que les acteurs réussissent à changer de peau. Ensuite, il faut unanimement féliciter les huit membres de la compagnie : Aurore Bourgois Demachy, Thomas Bouyou, Emilie Crubery, Paul Delbreil, Virginie Ruth Joseph, Clémentine Lamothe, Loris Reynaert et Etienne Toqué.
Sans vouloir rétablir le tableau d'honneur, et certainement parce qu'ils ont des rôles plus notables, on félicitera particulièrement Clémentine Lamothe, Thomas Bouyou et surtout Etienne Toqué.
Certains soirs, les élèves sont joués par des... élèves. Ceux du centre Kirikou ( Paris 17e) présents sur scène lors de la représentation du vendredi 18 novembre ont apporté un vrai plus. Il faut dire qu'ils répètent depuis plusieurs mois leurs interventions avec Charles Dunnet et que l'on voit encore une fois l'intérêt d'initier les jeunes aux arts de la scène plutôt que de les laisser dans l'inaction et l'ennui qui les vouent au consumérisme.
Depuis quelques années, les pièces ou les films sur l'école se multiplient, marquant l'importance de l'éducation, la peur de son abandon par les pouvoirs publics. "Qu'il fait beau cela vous suffit" sort du lot parce que son discours n'est pas nostalgique et que ses auteurs, envers et contre tout, pensent que l'école à un avenir. |