Diptyque des deux opus éponymes d'Ingmar Bergman, conception et mise en scène d'Ivo von Hove, avec Emmanuelle Bercot, Charles Berling, Justine Bachelet et Elizabeth Mazev.
Quelque chose gêne d'emblée dans ce travail d'accaparement d'un cinéaste par un homme de théâtre : quel est le titre de que l'on va voir ? Comme il est écrit qu'il s'agit de l'adaptation de deux œuvres majeures du cinéaste suédois, on a tendance à logiquement écrire "Après la répétition/Persona". Mais si l'on regarde la présentation, en gros caractères apparait d'abord, écrit "BERGMAN" suivi sur la ligne d'après, en même gros caractères "IVO VON HOVE".
Et ce que l'on craignait a lieu : après Visconti et ses "Damnés", c'est au tour de Bergman et de deux de ses films d'être non pas adaptés par un homme de théâtre, ni réinterprétés, mais transfigurés.
Si l'on vient voir le "Bergman" d'Ivo von Hove, et que l'on connait bien le cinéaste et ses films, on ne pourra qu'être déçu, voire plus, en ne retrouvant pas du tout le propos, pourtant limpide dans "Après la répétition", pourtant mystérieux et touché par la grâce dans "Persona".
On comprend que le metteur en scène néerlandais, qui avait déjà proposé au public de son pays ce spectacle il y a dix ans, soit concerné particulièrement par un film où l'on suit pas à pas un metteur en scène au travail avec ses actrices, et un autre où l'une d'entre elles s'enferme dans un silence absolu.
Mais il semble assez étonnant qu'un homme aussi connaisseur du cinéaste suédois qu'Ivo Von Hove fasse d' "Après la répétition" une espèce de leçon théorique sur les rapports comédiens/metteur en scène, en oubliant que dans "après la répétition", il y a "après" et qu'il s'agit d'autre chose que d'une "répétition" en heures supplémentaires, dans laquelle Charles Berling est confronté à Justine Bachelet et Emmanuelle Bercot. Sans doute, aujourd'hui, après "Me Too", il est difficile de rouvrir le chapitre "Bergman et les femmes". Si l'on s'appuie sur le texte, c'est la jeune actrice qui sollicite le metteur en scène, tente de le séduire.Bref, on se dit qu'Ivo von Hove a voulu déminé un texte trop clair et trop masculiniste, datant de 1984. On aura donc perdu Bergman en route et, dans un décor assez banal, on écoutera avec neutralité ce qu'être comédien et/ou acteur veut dire pour l'auteur néerlandais.
Pour "Persona", il vaudra encore mieux n'avoir jamais vu l'incomparable photo de Sven Nykvist ni l'intense beauté de Bibi Andersson et de Liv Ulmann pour apprécier ce qu'en a fait Ivo Von Hove. On ne peut pas dire que le duel, cette fois-ci, entre Emmanuelle Bercot et Justine Bachelet soit laid ni sans inspiration, mais la théâtralité empêche les gros plans du cinéma. Pouvait-on adapter "Persona" sans être contraint de prendre au pied de la lettre l'histoire de la comédienne aphasique ? Les deux femmes ici sont en train de rejouer plutôt "Miracle en Alabama" que "Persona", avec en guest star Charles Berling et Elisabeth Mazev ou Mama Prassinos, dans le rôle de la psy.
Si l'on fait fi du film, on retrouvera les qualités d'Ivo Von Hove pour faire vivre cet affrontement féminin autour d'un bassin d'eau et l'on aurait largement préféré une soirée Bergman centrée uniquement sur un "Persona" peut-être un peu plus étoffé quitte à ne plus être du tout sur la même longueur d'ondes qu'un film classé parmi les dix meilleurs jamais tournés.
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