Comédie d‘Eugène Ionesco, mise en scène de Thierry Harcourt, avec Frédérique Tirmont et Bernard Crombey.
A l'image de tout le théâtre d'Eugène Ionesco "Les Chaises" est une pièce d'une simplicité enfantine. L'histoire, dont on ne racontera rien, pourrait tenir sur un ticket de métro.
Et question matière première (les chaises proprement dites), dans sa mise en scène, Thierry Harcourt n'en utilise que deux, qui ne servent d'ailleurs à rien et pourraient même être disparaître de la scène. Un peu plus utiles sont les deux petits escabeaux qui apparaissent vers la fin du spectacle.
Comme toujours, le plus important chez Ionesco, ce seront les acteurs-les acteurs plus que les personnages, qui, eux, sont interchangeables. Et plus encore que les acteurs, ce sera leur conviction. Si convaincus qu'ils jouent du Ionesco : ils joueront du Ionesco et le public en sera tout autant persuadé.
Il leur faudra aussi tenir le rythme car le temps est presque de la musique chez Eugène. Evidemment, il n'y aura pas à s'en faire avec Bernard Crombey et Frédérique Tirmont qu'on connaît comme appartenant à la race des comédiens indispensables pour perpétuer la tradition du théâtre absurde dont Ionesco est l'un des fleurons, avec les Billetdoux, les Pinget, les Obaldia.
"Les Chaises" est une des œuvres du maître qui doit beaucoup à Tsilla Chelton et à Jacques Mauclair. Elle est aujourd'hui de nouveau entre de bonnes mains, prête à beaucoup faire sourire et même parfois à un peu effrayer. Mais chez Ionesco, le pessimisme est plutôt jubilatoire et jamais morbide.
Elle est parfaite, peut-être plus parfaite que "La Cantatrice Chauve" ou "La Leçon" pour entrer dans l'univers du dramaturge. A l'heure, où l'on joue plus Beckett que Ionesco, il serait temps qu'on en revienne à ce dernier. Moins inquiétant, moins âpre que l'Irlandais, il n'en est pas moins réjouissant et profond.
Mais pas la peine de rouvrir des guerres pour professeurs de littérature : Beckett et Ionesco dominent le théâtre français de la seconde partie du siècle passé et l'un et l'autre, à leur façon, sont devenus des classiques, mais des classiques qui ne prennent pas la poussière, des classiques qui tiennent le coup et combattent avec efficacité l'esprit de sérieux.
Voir "Les Chaises" aujourd'hui dans la version Harcourt-Crombey-Tirmont, c'est passer plus d'une heure, totalement hors de ce monde morose, dans un ailleurs de fantaisie et d'intelligence. |