Pièce de Fabrice Melquiot, mise en scène par Delphine Lacheteau, assistée de Joséphine Callies
avec Nikita Gassot, Solène Guittenit, Jeanne Masson et Delphine Lacheteau en alternance, et Camille Viel.
Les Tournesols est une pièce écrite par Fabrice Melquiot, qui nous plonge dans l'histoire intime de quatre femmes, Violet et ses trois filles, Black, Brown et Blue.
Elles portent des noms de couleur, pas les plus chaudes de la palette, évidemment. Des noms en anglais, comme pour rappeler l'universalité des tracas de l'âme humaine alors que cette maison se situe en France de toute évidence.
Un huis-clos où quatre femmes au bord du précipice, volontairement recluses, gardent obstinément les volets clos de leur maison.
Chose étrange d'ailleurs d'appeler cette pièce Les Tournesols, alors qu'il n'est manifestement pas question d'héliotropisme ici, au contraire.
Violet refuse rageusement l'extérieur, voudrait protéger ses filles du patriarcat, leur somme de ne jamais se soumettre, de ne jamais concilier, quitte à s'extraire totalement de la société.
Elles forment ensemble un rempart au monde qui leur a été et reste extrêmement hostile.
Les pères s'en sont tous allés, vers d'autres femmes ou vers l'au-delà.
Cette réclusion mortifère est le lieu de leur amour fou, de leurs tensions, de leurs névroses et leur folie grandissante.
Il y a ces chansons aux paroles hermétiques.
Il y a ce soleil qui ne pénètre jamais l'intérieur de cette maison-forteresse, stoppé par le filtre des volets.
Il y a ces insectes pris au piège, ces ailes d'ange apparaissant au cours du récit, ces bluettes en italien et ce linge étendu comme dans une chanson de Nino Ferrer. Étendoir à linge sur lequel la pièce s'ouvre justement, lieu de confessions, d'aveux et de révélations.
Un endroit loin de cette mère mante-aimante, qui au prétexte de ses propres blessures, retient ses trois filles dans sa toile nocive, jusqu'à leur transmettre son mal de vivre.
Toutes se revendiquent dépressives.
La dépression comme étendard de la condition féminine.
Les trois filles, chacune à leur façon, tentent d'approcher le monde, par la voie des anges ou par l'amour des hommes, mais se brûlent et se consument.
Les rares moments de bonheur et de lumière du soleil sont ceux qui sont captés par le caméscope de Blue (la cadette aux multiples suicides ratés) et qui sont projetés sur un drap.
Des images en deux dimensions qui les rendent volontairement artificielles et distantes. L'effet est d'ailleurs saisissant lorsque les comédiennes réapparaissent sur la scène comme après avoir crevé l'écran.
L'auteur Fabrice Melquiot dresse avec brio le portrait de ces femmes perdues et touchantes. Son texte est brillant, précis avec de belles envolées poétiques.
Les quatres comédiennes nous emportent avec talent dans ce maelstrom de sentiments et d'émotions parfois contradictoires, mais qui nous touchent profondément.
La mise en scène de Delphine Lacheteau, astucieuse, voire ingénieuse, participe à la sensation d'avoir vécu une expérience particulière.
On sort de cette pièce bousculé, mais pour notre plus grand plaisir.
Marie Bitschené & Laurent Duguet
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