Théâtre La Pépinière
(Paris) à partir du 5 septembre 2024
Spectacle de et par Anna Fournier, avec Anna Fournier ou Candice Bouchet.
Ce n'est pas la première fois qu'on consacre une pièce de théâtre à un homme ou une femme politique. Quand elle prend la forme d'un monologue, on a le plus souvent le récit de sa conquête du pouvoir avec relents shakespeariens.
Ce qui fait la double originalité de Guten Tag, Madame Merkel d'Anna Fournier a d'abord trait au fait qu'il s'agit d'une femme politique étrangère et ensuite qu'elle s'attache à décrire ses longues années où elle a dirigé l'Allemagne réunifiée.
Voilà une petite dame en veste rouge, au physique d'anonyme qui, pendant seize ans, va diriger le pays le plus riche et le plus peuplé de l'Union européenne. Une petite dame, c'est déjà bien rare à la tête d'un état occidental et a priori, elle paraît bien éloignée du seul précédent qu'on lui oppose d'emblée : Mme Thatcher. Elle n'a pas sa poigne et ne rêve pas d'imiter son programme ultra-libéral, tout en n'ayant rien de révolutionnaire.
Ainsi, on pourrait croire, malgré sa longue période d'exercice du pouvoir, qu'Anna Fournier ne va pas avoir la matière pour nourrir son spectacle. On se demande aussi si le personnage qu'elle va elle-même jouer ne manque pas d'un certain charisme. En d'autres termes, Madame Merkel, protestante luthérienne sans fantaisie, n'est-elle pas un personnage foncièrement terne, pas très chatoyant et sans beaucoup d'humour ?
Anna Fournier, en quelques minutes, fait taire toute cette litanie d'interrogations : elle ne s'inquiète pas que Madame Merkel soit l'anti-Thatcher. Au contraire, elle surjoue sa "gentillesse", sa modestie. En l'interprétant avec un léger accent germanique, elle la rend paradoxalement sympathique. Les piques qu'elle lance aux présidents français qu'elle a côtoyés, de Sarkozy à Macron, font rire sans méchanceté. Bien sûr, çà et là, selon ses convictions, on pourra regretter la manière dont sont évoqués certains points tangents de la politique menée par la petite dame. Mais Anna Fournier sait parfaitement transcender les contradictions programmatiques de Madame Merkel. Certains diront qu'elle sait embobiner son spectateur.
Avec peu d'éléments (une chaise), elle la raconte avec une simplicité presque teintée de naïveté.
On aura ainsi passer une bonne heure avec une femme qu'Anna Fournier aura rendu vraiment vivante. On se surprend alors à la trouver émouvante et l'on finit même par la préférer à tous ses homologues européens. Qu'on se le dise : on est devant une femme qui devrait passer à la postérité.
Guten Tag, Madame Merkel aura apporté une belle contribution théâtrale à l'amitié franco-allemande. Ce n'est pas rien !
Philippe Person
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