Pièce d'August Strindberg, mise en scène par Carlotta Clerici avec
Nathalie Bienaimé, Anatole de Bodinat, Pascal Guignard, Laurent Benoît et Marine Mandrila.
Un an après "L'envol" pièce qu'elle a écrit et mis en scène au Vingtième Théâtre, Carlotta Clerici , auteur et metteur en scène, membre de la compagnie du Théâtre vivant, a choisi de monter "Jouer avec le feu" d'August Strindberg dans une nouvelle adaptation due à la traduction de Mattias Nilsson, avec lequel, Yvan Garouel, l'un des quatre autres mousquetaires de la même compagnie, avait travaillé pour monter en ce début d'année "La nuit est mère du jour" de Lars Noren.
Théâtre Vivant qui milite en faveur d'un théâtre d'incarnation pour montrer l'homme à l'homme, vocation première du théâtre, trouve dans l'oeuvre de Strindberg une matière exceptionnelle.
Dans son théâtre, par la dramaturgie du reflet, Strindberg montre la mécanique profonde du moi à l'épreuve d'un tragique existentiel quotidien. Démiurge diabolique, il saisit les êtres, ici en une belle et ordinaire matinée d'été dans leur étouffoir bourgeois, pour les pousser au paroxysme et, actionnant leur interdépendance destructrice, les engage dans un combat psychique mortel. Et, dans "Jouer avec le feu", en un seul acte, tout est accompli même si certaines répliques ne sont pas dénuées d'un humour féroce. Amour, humiliation, domination et estocade.
Cinq personnages, le trio infernal, deux hommes amis et une femme, le père et la cousine, entretiennent des relations ambigues et ambivalentes, entre haine et amour, rêvant de passion qui briserait leur quotidien désoeuvré. Les tensions révélées et soigneusement exacerbées culminent jusqu'au paroxysme.
La mise en scène, comme toujours, avec Carlotta Clerici , se caractérise par une grande intelligence, intelligence du texte pour son rythme et ses silences, et intelligence du cœur pour rendre palpables les émotions de l'âme humaine doublée d'une rigueur et d'une netteté imparables.
Les comédiens sont excellents. Aux côtés de Marine Mandrila et Laurent Benoit, deux générations de manipulateurs, Nathalie Bienaimé incarne à merveille l'éternel féminin vu par Strindberg, la femme à la fois séductrice, candide et perverse, face à Pascal Guignard, le mari artiste dilettante, faible et déchiré aux prises avec l'image de la passion personnifiée par le charme magnétique d'Anatole de Bodinat.
Une indiscutable réussite. |