Réalisé par Steve Buscemi. Drame. 1h36. Sortie le 25 novembre 2024, en VOD sur UniversCiné. Avec Tessa Thompson, Rebecca Hall, Logan Marshall-Green.
Désormais le film de la semaine, ou du mois, ne sort plus forcément en salles. C'est le cas pour The Listener, le film de l'acteur-réalisateur Steve Buscemi, Mr Pink dans le premier Tarantino, Reservoir Dogs.
Il serait vraiment dommage de passer à côté car la performance de Tessa Thompson, seul personnage présent à l'écran et quasiment constamment, est impressionnante.
Sans doute, les distributeurs ont été effrayés par le résumé de The Listener qu'on pourrait traduire par l'auditrice, à moins qu'on ose un mot plus explicite qui pourrait être "écouteuse".
En effet, Beth est chez elle et pendant toute la nuit elle reçoit des appels d'inconnus qui ont besoin de parler, d'évacuer de lourds secrets ou tout simplement de combattre cette solitude qui se solidifie à mesure qu'on s'enfonce dans ses heures nocturnes dont chaque minute peut durer des siècles pour quelqu'un qui les vit emmuré avec lui-même.
La majorité des lecteurs d'un tel scénario risque d'imaginer un rendu austère, un film tourné dans une pièce unique et se caractérisant par une succession de voix-off alignant des propos déprimants.
Il faut donc les rassurer : Steve Buscemi et son scénariste Alessandro Camon ont trouvé un dispositif dans lequel l'actrice se meut à l'intérieur d'une maison de belle dimension, ne reste jamais au même endroit. Et puis, elle n'est finalement pas totalement seule puisqu'elle a un compagnon à quatre pattes.
En plus, le personnage n'est pas neutre : si Beth est une "écouteuse" bénévole, c'est qu'elle a aussi toute une vie où elle a eu, et peut-être a encore, besoin elle-même d'écoute. Car, en la regardant écouter les autres, le spectateur attentif apprendra peu à peu des choses sur son passé. Sa manière d'être avec chaque interlocuteur n'est jamais identique. Elle laisse transparaître des affinités ou des rejets. Lors d'une conversation empathique, elle révèle son vrai prénom, ce qui doit être contraire aux recommandations de l'association qui la chapeaute.
Il y a d'ailleurs un crescendo dans les appels. The Listener est un vrai thriller. Parfois, il est possible de se demander si la voix au téléphone ne s'adresse pas insidieusement à la fausse Beth parce qu'elle la connaît sous sa vraie identité.
En tout cas, celle-ci encaisse, comme des coups répétitifs au cœur, toutes les confidences auxquelles elle est confrontée dans la nuit.
Elle dit, à un moment, qu'elle fait ça depuis deux ans et qu'elle compte bientôt arrêter. Ce n'est pas difficile de comprendre pourquoi à l'issue de ses longues minutes partagées avec elle et ses visiteurs, voire ses "patients".
Tessa Thompson est paradoxalement très physique dans ce rôle. Elle travaille avant tout l'expression de son visage et les modulations de sa voix, dans lesquelles passent compassion, colère ou indifférence.
Quand le jour point et que le film s'arrête, on est totalement sous l'emprise de cette jeune femme, comme si on avait partagé avec elle la charge d'humanité dont elle a bien voulu s'occuper.
The Listener est une œuvre originale que Steve Buscemi sait achever dans l'évidence.
Philippe Person
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