Théâtre Essaion
(Paris) du 11 novembre 2024 au 7 janvier 2025
Spectacle conçu et interprété par Caroline Montier.
Il y a quelques semaines, il y avait deux Caroline sur une scène parisienne. Le spectacle s'appelait à juste titre Les deux Caroline parce qu'il s'agissait d'un récital joyeux de Caroline Loeb et de Caroline Montier.
Dans Barbara amoureuse, on retrouve sur scène cette dernière en train d'interpréter au piano les chansons de Barbara tout en interprétant Barbara chantant au piano. Avec toujours la complicité de Caroline Loeb, Caroline Montier est donc doublement Barbara. Une Barbara qu'elle saisit aux temps où elle n'est pas encore devenue pour beaucoup de Français, et pour Georges Moustaki en particulier, la "longue dame brune", celle qui chante ses écorchures et fait de "L'Aigle noir" un monument de la chanson française entre "Avec le temps" et "Ne me quitte pas".
Ici, la Barbara de Caroline Montier qui, derrière son piano, a bien des ressemblances avec elle, chante ses expériences de femme qui passe de la trentaine à la quarantaine. Elle a connu l'amour, ses hauts et ses bas. Elle va traduire tout ça en belles chansons quelquefois gaies, parfois elliptiques mais souvent teintées de tristesse et d'amertume. Avant le rappel chargé de ne pas finir sur une note aussi désespérée, Caroline Montier termine son trop court récital par "La Solitude", un des sommets de la discographie de Barbara.
C'est peu dire qu'elle en donne une version d'une grande beauté. Caroline Montier, qui parle de temps en temps entre les chansons, sait ainsi ne pas être dévorée par des chansons qui ne laissent pas indemnes leurs interprètes. C'est cette distance, une juste distance entre mimétisme et version personnelle, qui fait tout le charme de cette soirée en compagnie de la "Grande dame de la chanson française", qui aimait croquer les hommes, la vie, les mots au risque de s'exposer à bien des déboires quand son entourage n'était pas à sa hauteur et à son exigence.
En seulement quelques chansons de la période 1962-1970, sans ses tubes hors sujet amoureux ("La Salle des ventes", "Nantes", "Göttingen", etc...), Caroline Montier restitue tout le pouvoir charismatique de celle qui fut, avec Colette Magny et Anne Sylvestre, une des premières chanteuses autrices. On l'aime davantage quand elle parvient à s'échapper de l'ombre barbaresque. Peut-être est-ce plus difficile avec les chansons les "plus faibles", nécessaires pour faire vivre un spectacle qui ne se veut pas que tour de chant. Mais c'est aussi dans ces moments-là où Barbara s'expose le plus et qui permettent paradoxalement à celle qui la joue en la chantant de se préparer pour les chansons où elle saura s'imposer vraiment en actrice-chanteuse.
Presque trente ans après la mort de Barbara, Caroline Montier ne dresse pas le portrait du "monstre sacré" nimbé dans sa légende, mais celui de la femme libre, moderne, dont la parole, à l'ère "me too", résonne encore très fort.
Philippe Person
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