Paris Match, le magazine de l'actualité et des gens célèbres, créé en 1949, a fouillé dans ses archives photographiques pour retracer "cinq décennies de création, de spectacles et d'évènements, à travers des moments d'émotion" dans une exposition de photographies intitulée "Artistes et Stars" au Musée Jacquemart-André.
Deux observations liminaires s'imposent.
D'une part, cette exposition n'est pas une exposition de photographes mais de photographies retenues pour un reportage "people", photographies qui sont donc souvent réalisées et travaillées de manière consensuelle avec les modèles davantage pour donner une image de marque de ces derniers que pour saisir une réalité même sublimée.
D'autre part, l'exposition revêt un caractère plutôt rétrospectif dans la mesure où elle comprend très peu de photographies de jeunes célébrités.
Les photographies de formats variés, en noir et blanc ou en couleurs sont exposées dans six salles aux termes d'une scénographie judicieuse axée sur la polychromie (sol noir, plafond blanc, murs souvent bicolores) et d'une thématique basique, en l'espèce "socio-professionnelle" si on peut dire dès lors qu'elles sont appariées en fonction de l'art pratiqué.
Le visiteur est accueilli par un très surprenant portrait en buste de Jeanne Moreau dans un décor surréaliste réalisé par le célèbre "photographe des stars" Willy Rizzo (né en 1928) dont les clichés, à l'instar de ceux d'Izis (1911-1980), sont très nettement identifiables. De par la matérialisation physique de leurs œuvres, les peintres et sculpteurs sont très souvent photographiés en situation dans une mise en scène évidente, incontournable et iconographique.
Toutefois, à y regarder de près, les photographes sont allés, volontairement peut-être, au delà d'une simple tautologie, comme les photographies du maître dans son atelier, rappelant les peintures dans l'atelier du 19 ème siècle, même si ces dernières sont assez révélatrices et celle de Matisse alité peignant le mur avec un pinceau à rallonge particulièrement émouvante.
Ainsi trouve-t-on des portraits cocasses, comme Calder, le roi des mobiles, avec des casseroles colorées suspendues au dessus de sa tête, jubilatoire avec Van Dongen peignant le visage de Fujita, ironique avec Le Corbusier devant un tableau d'école sur lequel est dessinée à la craie sa cité radieuse ou le super ego de Botero la tête posée sur le cou d'une sculpture de torse géant, surréaliste, mimétique avec le visage de Giacometti semblable à celui de ses sculptures et psychanalytique avec Picasso chevauchant un bouc et superbes avec le portrait de Pierre Soulages, le pape de la lumière du noir, dont le profil et la main illuminent un de ses tryptiques par Hubert Saint Homme est sans doute le plus réussi.
Pour les auteurs et compositeurs, l'exercice est plus difficile.
Cependant souvent réussi comme le double portrait à la Dorian Gray de Florian Zeller et Jean d'Ormesson, le mégalomaniaque Herbert Von Karajan perché au dessus de la scène la baguette à la main comme une victoire.
Et puis Rostropovitch dans une chambre-capharnaum en kimono entouré d'étuis de violoncelle et se prenant la tête à deux mains.
Dans la salle consacrée aux danseurs et couturiers, partie congrue de l'exposition, la juxtaposition de la photo de Karl Lagerfeld, très neutre sortant d'une pièce sur la porte de laquelle est placardé de nom de "Mademoiselle", et de celle de Coco Chanel dans une mise en scène kitsch est amusante et permet même une lecture au second degré.
En revanche, les photos des chanteurs et musiciens souvent immortalisés dans leur vie quotidienne s'avèrent particulièrement ordinaires. Certaines sont même décevantes comme celles de Mick Jagger et David Bowie, figés, inexpressifs, sur un fond uni de photomaton.
Il y a cependant des moments de grâce pure comme pour Edith Piaf dont le visage est immortalisé par Izis sur un cliché rappelant une toile de De Chirico placée à côté la photo expressionniste à la Marcel Carné de Jacques Brel, de dos, qui passe devant une de ses affiches.
Salle noire et rideaux de velours rouge pour les acteurs qui ne se font pas leur cinéma.
Souvent spontanés, comme Brigitte Bardot surprise sortant de la cabine d'un bateau ou Alain Delon assailli par les pigeons de Venise, émouvants avec Charlie Chaplin murmurant à l'oreille d'un chat ou Marcello Mastroianni dans ses derniers jours ou ironiques tel Sean Connery jouant le chef de clan ou Rossi de Palma se déformant le visage.
Et puis, il y le portrait tête-bêche de Montant et Signoret au temps des amours heureuses, prenant le soleil sur une plage de galets.Et puis le sourire de Marilyn.
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