Saut le pied en avant, le corps recourbé vers une Fender couleur bois, du Pete Townsend en forme remarquable, de l'acrobatie à faire passer n'importe quel métaleux pour un petit joueur.
La rage de vivre sur des morceaux de 3 minutes, en pleine verve Stooge, MC5, The Gorillas (groupe garage du grand Jesse Hector). Elektrocution et ceux qui ont sauvé notre âme en pleine canicule de ce juillet 2006. Il nous fallait ce regain d'énergie, une surprise subite et magique. Place de la Pucelle, Rotamagus, un groupe rouannais et les rythmes Shuffle du rock directement émergeant du blues le plus dur, le plus malmené, celui du Sud.
Elektrocution est un vrai groupe garage, bien plus violent que nos si présents Brats et toute la clique. Il n'ont rien voulu prendre de la pop anglaise, se sont libérés de toute la mélodie, juste l'agression, comme un Wanna Be your Dog qui aurait perdu les clochettes du Père Noël.
Et le groupe nous crie son amour et sa dévotion à la musique brutale. Les crans d'arrêt ou les éclairs qui ornent les T Shit à têtes de mort vendus à la fin de leur concert, le doublet de guitare Stratocaster Fender, Les Paul Gibson tout comme le MC5, le félin et le phacochère, l'un griffe l'autre charge. C'est ainsi que ça roule et pas autrement.
Pendant que l'un sort des Riff comme l'on déroule des kilomètres de barbelés, l'autre nous entame des réminiscences surf rock, ou même boogie, avec les notes glissées dans le bas du manche. Puis il y a bien sûr le chanteur prenant des airs de diva pop eighties, minaudant carrément comme une gonzesse trop chaude, lâchant le micro pour le rattraper en roulant légèrement des fesses. Rien de Gaytitute là dedans, juste une version revisitée de Mick Jagger.
Donc Elektrocution, un putain de concert attendu s'il en est un. Concert investi de toute la clique décalée rouennaise : rastas épileptiques, métaleux en manque de musique plus sexy, roots désabusés que le nihilisme a amené à ne plus avoir aucun goût vestimentaire… quelques amoureux de rock abordant T Shirt Brian Jones ou de groupe Punk n'existant plus depuis plus de 25 ans maintenant. Si toutes ces personnes ont une facilité à vivre dans le passé, c'est que le présent semble ne plus avoir grand-chose d'excitant à nous proposer.
Et le son du concert était pourri, bien plus que ce que l'on avait pu faire pour les pourtant très light Jury. Ils auraient pu pousser un peu les décibels, ou équilibrer entre les basses et les aigus, mais non. Alors on entendait un brouhaha de grosse caisse et de basses, un petit peu de Fender fuzzy, et dans le magma sautillant, la voix du chanteur, écorchée comme un jambe dans un piège à loup.
Là dessus, le groupe faisait de grosses blagues comme aiment en faire les musiciens s'amusant d'un concert bizarre, Johnny dans un gala de maison de retraite. Un speech sur la canicule se concluant sur "Parce que la mort c'est vraiment trop moche" et des "Merci pour la pucelle".
La réaction du public ?! Quoi dire sur un concert de rock rebel organisé par la ville de Rouen sur l'une des places les plus agréables de la ville. "Vous êtes pas assez bourrés c'est ça, alors revenez au deuxième set déchirés et on pourra faire un concert normal…". C'est le message grosso modo qu'a fait passé le chanteur.
Par contre, fait passionnant, les déjantés du premier rang n'étaient d'autres que deux petites filles d'à peine 2 ans et demi. Age où la musique est un choc, où le corps réagit directement à la floppée d'énergie qu'envoie le son. Alors elles faisaient toutes deux les gestes les plus violents que leur petit corps pouvait exécuter, jusqu'à l'approche de la scène de l'une des deux pour aller agripper la banderole "Ville de Rouen" et repartir de plus belle.
Cela me rappelle cette histoire de mon enfance, celle qui avait fait que j'avais attrapé une grosse batte de baseball en bois à l'écoute de "Black and White" de Michael Jackson ayant sérieusement dans l'idée de taper quelque chose. Heureusement ma sœur dans toute sa dévotion adolescente envers Michael Jackson (comme l'avaient la plupart des ados de cette époque) m'arrêta en me disant que cette chanson parlait de "respect entre les gens de différente couleur", chose qui me vexa énormément dans mon entreprise de violence. Le Rock (car Black and white repose sur un riff de guitare) et toute la mystification que l'on fait autour de lui est à l'enfance quelque chose de complètement magique.
Ainsi l'on ne peut pas trop s'étonner si l'on a inventé le pogo, que la prise de drogue est plus massive lors d'un concert ou que certains couples sont prêts à franchement copuler dans les fosses les plus mouvementées. Ce n'est pas une recherche de l'enfance, loin de là, mais bien celle des premières pulsions qui nous ont éveillé à la face du monde.
Elektrocution sera proscrit à tous les enfants par le parent soucieux d'avoir plus tard des adultes équilibrés. Mais on ne peut pas échapper à sa première lampée d'agressivité, on ne peut pas échapper au rouleau compresseur de la musique… et croyez moi, si le guitariste d'Elektrocution se jette à terre pour exécuter un solo, c'est qu'il a besoin de ce choc sur ses genoux pour sortir la plus belle pulsion qui soit enfouie au milieu de lui… la véritable bénédiction du cheveux long et de la hargne musicale. |