Un inconnu est toujours une surprise. Comme un peu d'air frais dans une Amérique qui étouffe. Comme une frappe chirurgicale de folk et de mièvrerie sur des populations innocentes. Comme Luke Temple.
Comme ce premier titre de Hold a match for a gasoline world, premier album du songwriter américain, attaqué avec cordes étouffés et solo de flûte. A défaut d'être rock & roll, le garçon sait y faire pour attirer l'attention. "Someone, Somewhere" est une putain de bonne chanson folk pour un premier album surprise qui place la barre bien haute, limite infranchissable, dans la catégorie des artistes, qui, l'air de rien, cahin-caha, marquent avec leurs compositions indémodables.
Hold a match for a gasoline world , donc, c'est un peu l'aurore boréale qu'on attendait pas en cette saison. Une présence, une voix à faire passer Elliott Smith pour un bad boy des blocks. Une référence pas si innocente que ça, justement, tant les chansons de Luke Temple évoquent la période "Either /Or" du songwriter décédé. Une ambiance, une atmosphère, trois accords jetés à la face de l'auditeur, qui le renverse, tête collée aux enceintes, corps raidi par la chaleur étouffante de "In the end". Chanson de l'été. Belle et triste. Glauque et lumineuse, en fonction des humeurs, portées par la voix de Luke le lucky et ses guitares éclectiques.
Tout Hold a match for a gasoline world regorge de compositions aussi éblouissantes, flirtant entre la country de Johnny Cash (les slaps de basses si reconnaissables sur "Someone, Somewhere"…) et la pop millésimé des Beatles, pour ces arpèges cristallins. Comme sur "Mr Disgrace", haute en couleur avec ses flûtes divines rappelant insidieusement le "Dear Prudence" des quatre garçons dans le vent.
Fan de Motorhead, passe ton chemin. Encore que la sérénité des onze compositions de Luke Temple puisse adoucir les mœurs, et permet de comprendre que la mélodie est plus belle sans larsen, à l'ombre du chant. L'originalité, dans un sens, de cet album, réside dans le mariage parfait entre folk acoustique et ballades électriques. Une fusion donnant un parfum intemporel ("Radiation blues") à l'ensemble, loin de la hype et des perfectos recousus par maman.
Souvent, les songwriters heureux ennuient l'auditeur malheureux. Avec Hold a match for a gasoline world, il n'en est rien, on s'y promène en terres connues, se disant que les fils d'Elliott Smith sont de dignes héritiers du père.
Les marchands du Temple peuvent bien dormir sur leurs deux oreilles.
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