Du post rock sans guitare électrique. De la musique contemporaine pas chiante. De l'art de réussir un album instrumental avec des voix…
On pourrait rapidement, de quelques phrases qualifier et encenser cet album de Manyfingers, mais il mérite que l'on s'y arrête tout de même un peu plus, pour être certain que vous ne passiez pas, à cause d'une chronique trop brève, à côté d'un des beaux albums de cette rentrée.
Chris Cole seul aux commandes de ce projet est connu notamment pour sa participation à Third Eye Foundation aux côtés de Matt Elliott. Désormais au cœur de ce Manyfingers ce multi-instrumentaliste de talent propose avec Our Worn Shadow un album touchant et captivant.
Touchant comme "Tsunami", marche funèbre qui clôt l'album tout en douceur et en retenue, rappelant au passage le Yann Tiersen de Rue des Cascades. Yann Tiersen auquel on pensera également sur "No Opera" tant le titre est proche aussi bien au niveau de la composition que du son (l'accordéon notamment) de l'univers sonore du Breton.
Captivant parce jamais lors de l'écoute de ces 8 titres l'auditeur n'aura envie de changer de disque, de quitter cet univers feutré mais un peu noir. 8 titres longs et qui se développent doucement, entre musique répétitive et progressions lentes.
Les cuivres et les cordes revisitent la musique rock et flirtent avec la musique contemporaine. Parfois, une voix vient se glisser dans les compositions et se mêle aux boucles de guitares sans rompre le côté instrumental de l'album paradoxalement comme sur "For measured shores".
Sur "3 forms" ce sont les claviers qui ont la vedette sur près de 8 minutes se terminant en une explosion quasi jazz rappelant les 12 Twelve (groupe également signé sur le label espagnol Acuarela).
Tendance free jazz aussi sur "Our Worn Shadow" qui donne son titre à l'album et derrière lequel s'enchaine le morceau peut être le plus "tubesque" du disque, "A remark" avec sa construction étrange basée encore une fois sur le mélange répétitif piano / voix perturbé par des cuivres qui s'entrecroisent.
Ce beau disque étant aussi un bel objet, il contient un DVD sur lequel vous retrouver un clip "Interlude" mais surtout un live de 30 minutes sur lequel on voit Chris Cole, seul sur scène, entouré d'instruments et distillant savamment sa musique, jouant tour à tour de la batterie, du clavier, de la table de mixage, tournant ses pages de partitions et gigotant comme un DJ sous sa casquette et son t-shirt estampillé Hood. Un mélange des genres improbable et surtout un groupe qui mérite bien son nom, Manyfingers, seul sur scène avec ses doigts et son talent.
Entre les Clogs, les Rachel's et Philippe Glass, Manyfingers prouve que la musique peut encore avoir des choses à dire sans pour autant être élitiste.
Un album intelligent et divertissant, à ne pas rater ! |