Dernière journée du triptyque de la 16ème édition de la Route du Rock. La soirée du samedi s’est achevée avec Radio 4 sur "Packing this up" décliné en melting pot Coldplay/Clash qui résonent encore dans les oreilles des festivaliers.
Le dimanche s’annonce encore riche en émotions musicales malgré la déception consécutive à la défection de dernière minute des dinosaures de The Television Personalities, Franz Ferdinand et Katerine en têtes d'affiche du jour.
Le Palais du Grand Large offrait une après-midi placé sous le signe de la féminité et de la voix.
Le chien devenu sirène
El Perro del mar, le projet de Sarah
Assbring, la blonde suédoise, est selon
ses propres dires "le moyen le plus simple
pour dire et faire les choses qui ne
peuvent exister dans la vie réelle". Choeurs
fantomatiques, voix chuchotante,
mélodies minimalistes, le spleen
bergmanien n’est pas une légende.
Sarah Assbring, chanteuse du groupe El Perro Del Mar, qui nous éclabousse de sa voix magnifique et cristalline. Presque timide sur cette grande scène entourée de tous ses musiciens, la suédoise (qui aurait trouvé le nom de son groupe en voyant sortir un chien de la mer lors de vacances ibériques) est une véritable mine d’émotions à l’état pur, faisant habillement rebondir sa voix sur les murs du Palais.
Soutenue par une guitare et un clavier, ne servant qu’à lui dérouler un discret tapis sonore, Sarah montre l’étendue de ses talents pendant un set d’une grosse demi heure seulement. On regrettera de ne pas avoir pu apprécier plus longtemps le timbre délicieux de cette suédoise éblouissante.
Sarah se retire tranquillement après un set plutôt court, en ayant formidablement conquit son assistance.
Isobel la discrète
Après une attente plus que longue, Isobel Campbell pointait enfin le bout de son nez, accompagné pour l’occasion d’une section rythmique et du chanteur des Vaselines Eugene Kelly.
Si on reconnaît volontiers à la demoiselle un joli filet de voix, passer après Sarah Assbring n’est certainement pas la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Son timbre fluet et discret ne fait guère le poids face à celui de la suédoise, tout aussi fluet mais plus habité et envoûtant.
Isobel vient surtout ce soir présenter les chansons de son dernier album, écrit et interprété avec l’une des plus grosses voix actuelle, Mark Lanegan (ex-Screaming Trees, Queens Of The Stone Age), Ballades of the broken seas. La rencontre improbable entre deux voix que tout oppose, ou quand la Belle rencontre la Bête (c’est une image, Mark Lanegan n’a rien de la bête de Walt Disney).
L’ex Screaming Trees ne pouvant accompagné Isobel sur cette tournée, c’est Eugene Kelly, chanteur des Vaselines, qui reprend ses parties vocales. Si ce dernier a une bien belle voix, elle ne restitue pas toute la noirceur et la profondeur du timbre si particulier de Mark Lanegan. Les morceaux s’enchaînent, mais on ne retrouve pas vraiment le charme inhérent à l’album.
Le show est un peu mou du genou, et on se surprend à regarder sa montre. Dommage.
Deux concerts pour le prix d'un !
Au Fort de Saint Père, la soirée commençait donc avec Grizzly Bear. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la défection de The Television Personalities leur donnait l’occasion de jouer sur la Grande scène après leur passage très remarqué au Palais du Grand Large vendredi.
En effet, ils ne seront pas venus pour rien les Grizzly Bear à cette 16ème édition de la Route du Rock.
Programmés dans l’intimiste et confortable salle du Palais du Grand Large vendredi après midi, les voici ce dimanche propulsés sur la grande scène du Fort de Saint Père en remplacement des Television Personnalities.
Un jeune groupe plein d’avenir donc, qui remplace un vieux groupe punk mythique… la roue tourne dans le bon sens pour les Ours Polaires venu de Brooklyn.
Les Grizzly Bear c’est une équipe de joyeux drilles déparaillés, au look anti rock’n’roll au possible et qui agitent une scène indé partagée entre pop bricolo et électro sautillante (ou le contraire).
C’est d’ailleurs peut être ce que l’on pourrait reprocher à ce groupe que de ne pas savoir exactement où il va.
Ou plutôt devrais je dire, de ne pas savoir pour nous, auditeurs, vers quelle direction il nous emmène
Parfois à la frontière du post rock toutes guitares dehors, on se retrouve sans crier gare l’instant d’après au beau milieu d’une plage planante et quasi éthérée faisant aussitôt retomber l’ambiance déjà bien difficile à créer en ce tout début de soirée alors que les festivaliers arrivent à peine sur le site.
Quoi qu’il en soit après leur remarquée prestation au Palais et cette deuxième chance ce soir, les Grizzly Bear sauront attirer votre attention et votre curiosité avec leur nouvel album Yellow House à paraître à la rentrée.
L'énergie de la jeunesse
A peine 20 ans de moyenne d'âge et déjà 7 albums au compteur...ce sont les américains de The Spinto Band. Décris comme un croisement entre Pavement et Weezer ils sont finalement un énième groupe de rock remuant et juvénile.
Loin d'être mauvaise, la musique de The Spinto Band est simplement peu originale et relativement téléphonée.
Nous avons typiquement à faire à un groupe qui saura certainement se trouver une place et vendre des disques, mais qui n’arrive pas à m’emballer plus que ça.
En même temps, je ne suis pas friand de ce genre de groupe, à part les tous jeunes également The Kooks qui m’ont plutôt bluffé. Là où, en revanche, les américians font le différence, c'est dans leur jeu de scène.
Energique, sautillant, frais et fougueux, le groupe est un véritable plaisir à regarder. A six sur scène, ils occupent parfaitement l’espace et paraissent montés sur ressort.
Rien de nouveau mais une passion communicative qui fait plaisir à voir et à entendre.
Katerine tient ses promesses !
Bonne idée d'avoir invité Katerine pour cette 16ème Route du Rock placée sous l'étendard de "Pop is not dead".
1991-2006 : 15 ans séparent le premier album de Katerine Les mariages chinois et son dernier opus Robots avant tout. 15 ans et 10 ans en termes de registre musical. Mais si le premier est romantiquement très pop lisse sixties, le dernier est furieusement pop art seventies.
Accompagné en backing- back d'une partie des ex-Little Rabbits recomposée sous le nom de Secte Machine (Federico Pelegrini faisant la Plage avec Héléna Noguerra), qui à la fin du concert se déguisent en queers warholiens, slip vert fluo, pull à col roulé rose et perruque platine, pour deux titres phares du dernier album "Louqsor j'adore" et "Borderline" et un final apocalyptique, Katerine lui-même en short, basket et collant blancs et le torse décoré en body-art, faux T shirt bleu avec le Christ auréolé sur la poitrine et un arbre crucifixionnel au dos, la mèche barettée, offre au public en délire un show monstrueux !
Dès les premiers titres, "Etres humains" et "Qu'est-ce qu'il dit?", le public est sous hypnose et Katerine n'a aucune difficulté à leur faire répéter des onomatopées ou borborygme.
Des textes fortement intellectualisés sous des abords de galéjades allitératives ou de jeux de chiffres - Katerine ne dit-il pas être inspiré par les démarches telles celles de Raymond Roussel, du rock qui dépote orchestré par des musiciens aguerris et complètement barrés eux-aussi - Stéphane Louvain et Philippe Eveno aux guitares, Gaétan Chataigner à la basse, Eric Pifeteau à la batterie.
Et Katerine en front man délirant, toujours "borderline", qui mène le public où il veut et cela donne un concert puissant, funk et tout à fait unique dans ce festival et la confirmation du talent de Katerine au-delà des considérations subjectives.
Et le public du Fort de Saint Père ne s'y est pas trompé.
L’affiche promo de Robots après tout représente la pochette particulièrement kitsch de l'album, sous pull moulant à col roulé rose bonbon, petites culottes blanches de manguettes et Katerine, cuisses velues et tenue ambiguë, entouré de katerinettes emperruquées, customisée handmade pour annoncer que "Katerine en concert, ça promet".
Promesse tenue !
Franz Ferdinand : on a eu show !
Rock calibré pour certains, machines à tubes pour d’autres, Franz Ferdinand divise mais laisse rarement indifférent. En tout cas, si c’est sur scène que l’on juge un groupe, il faut bien reconnaître que les écossais maîtrisent parfaitement leur affaire.
Véritable tête d’affiche de ce dernier soir, Franz Ferdinand déploie la grosse artillerie. Estrade rouge qui borde le fond de scène, immense drapeau, light show monstrueux…tout est fait pour faire de ce concert un véritable show.
Alex Kapranos et sa bande débarquent toutes guitares dehors, avec sa ribambelle de tubes à faire danser un mort. Si le tout paraît minutieusement calculé, impossible de ne pas headbanger en rythme.
Les nouveaux papes du rock dansant électrisent un public en surnombre. Le fort se transforme en immense dancefloor, et la poussière commence à voler.
Un rappel en forme de bœuf (improvisé ?... rien n’est moins sûr) à trois sur la batterie, un final ovationné, et le groupe repart en remerciant copieusement son public.
Un show pas forcément rok’n’roll, mais terriblement efficace. On s’incline.
La chevauchée fantastique
Contrairement à ce que pourrait laisser croire son nom, Band of Horses n’officie pas dans la country folk. Ses leaders, Ben Bridwell et Matt Brooke, membres de l’ex-groupe Carissa’s Wierd, une excellente formation dream pop, viennent de sortir un premier album, "Everything All The Time", qui ravit les fans de pop à guitare.
Band of Horses c'est un peu comme la pub pour le fromage de chèvre en bûche… des bûcherons qui font dans la délicatesse et la douceur.
Car derrière leurs chemises à carreaux et tatouages king size, les 4 membres de ce groupe tout droit venu de Seattle nous la jouent berceuses et mélodies planantes.
Bien loin donc de l'étiquette grunge qui marquera encore longtemps leur ville d'origine, la musique de Band of Horses fait la part belle aux mélodies. Ou plutôt aux harmonies car ici et particulièrement en live, tout est fait pour mettre en valeur la superbe voix du chanteur Ben Bridwell. Puissante et cristalline à la fois, elle rappelle le meilleur de Mercury Rev ou des Flamming Lips.
Mais une belle voix ne suffit pas toujours et si l'album est fort agréable avec quelques titres superbes comme "The Funeral" ou "Weed party" et ses guitares qui louchent du côté du Wedding Present, en live il en est tout autrement.
En effet les 4 compagnons semblent un peu perdus sur cette scène vraiment trop grande pour eux (quand elle parait trop petit pour les 3 dingues des Liars) et la présence du chanteur est quasi inexistante tant il se cache derrière sa steel guitare y compris quand il n'en joue pas et la troque pour une guitare électrique.
Et croyez moi, un petit gars presque chétif en chemise à carreaux assis derrière une guitare steel devant 10 000 personnes, ça n'est pas très sexy surtout à 1h30 du matin et après l'énergique concert des Franz Ferdinand.
Néanmoins ce concert n'était pas pour autant désagréable et nous a offert une fin de festival en douceur, un départ sur la pointe des pieds, fatigués de 3 jours de déambulations et qui réclament déjà leur content de concerts en 2007…
D'ailleurs les Band of Horses auraient fait une belle affiche pour la collection hiver … Vivement février !
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