Le Musée d'Art Moderne de la ville de Paris accueille la Rétrospective Dan Flavin qui constitue un événement exceptionnel pour cet artiste internationalement connu, mort il y a 10 ans.
Considéré comme un des fondateurs du minimalisme et de l’art situationnel, Dan Flavin a centré tout son travail sur la lumière en s’imposant 3 axiomes : la novation et l’unicité du médium employé, (des tubes fluorescents disponibles dans le commerce limités à quatre longueurs standard et neuf couleurs), la dépendance de l’environnement architectural (les configurations géométriques créées sont toujours appliquées sur l’une des faces ou angles du volume d’exposition) et la notion d’art factuel (l’existence et le sens de la corporéité de l’œuvre dépend de sa perception mentale par celui qui la regarde).
Au plan de la scénographie, les œuvres sont exposés dans des salles blanches d’une luminosité variable et selon un parcours quasi chronologique. Alors qu’on aurait pu penser que des œuvres lumineuses devaient être présentées dans des espaces suffisamment isolés pour éviter toute irradiation entre elles, la commissaire de l’exposition a opté pour une scénographie hardie par juxtaposition ou appariement des modules qui ajoute un niveau d’interaction supplémentaire.
L’exposition s’ouvre sur les premières oeuvres, les Icon, peintures monochromes sur caisson en bois surmontés de tubes ou ampoules , aux noms mystiques ("The heart", "The mystery", "Via crucis") symétriques des icônes classiques qui ne se révèlent non par la figure mais par la lumière qui en émane.
Et l’incontournable première oeuvre emblématique,"The diagonal of May 25", se clôt par le spectaculaire module de carrés verts d’"Untitled To you Heiner, with admiration and affection" qui caractérise l’élément essentiel de son œuvre : l’interaction.
L’interaction des lumières, diffusée et ambiante, l’interaction de l’œuvre avec le lieu qui la reçoit et l’interaction avec le mental de celui qui est immergé dans ce lieu.
Basés sur la picturalité de la lumière, les oeuvres tridimensionnelles de Dan Flavin sont polymorphes. Elles s’apparentent parfois à des tableaux sans cadre ("A primary picture" proche des Mondrian), à des sculptures ("Monument 4 for those who have been killed in ambush" voire à des vitraux ("Monument for V. Tatlin").
Tout le travail et la réflexion de Dan Flavin portent sur l’altération de la perception de l’espace par la lumière et la couleur entraînant la modification du réel ce qui est peut-être une définition de l’art.
En explorant les variations que permettent le nombre, la couleur, les dimensions des tubes et leur disposition, il travaille essentiellement sur la perception de l’espace.
Les lumières colorées affectent les émotions ; le rouge profond des tubes agressifs de "Monument 4 for whose have been killed in ambust" inspirent la violence alors que les couleurs pastels de "Untitled To Harold joachim " distillent la sérénité. Travail sur les blancs aussi avec le module "For Charlotte and Jon Brooks" présenté dans un couloir dont les angles sont pourvus de tubes de 4 nuances lumière du jour, blanc froid, blanc chaud et blanc doux, comme la mort et le passage.
Leur interaction crée des effets d'optique mis en évidence avec la juxtaposition de "Untitled To Jan and Ron Greenberg)" et "Untitled To Emily", deux corridors lumineux qui modifient la perception des couleurs.
Les modifications de perception de l’espace peuvent induire la quiétude (les angles arrondis par les tubes irradiant un bleu violacés de "Untitled To Virginia Dawn" et de "Untitled To Janie Lee")
La salle consacrée "Monument for V. Tatlin" comportant une série de compositions construites sur des principes de progressivité arithmétique et géométrique et de symétrie axiale en hommage au projet utopique de l'architecte Vladimir Tatlin constitue certainement le point d'orgue de cette exposition. Le visiteur est sidéré par l'atmosphère éthérée qui habite le lieu.
L’intérêt de cette remarquable exposition est double en ce qu’elle propose au visiteur un parcours perceptuel, tantôt ludique, tantôt mystique et planant, et suscite une véritable réflexion sur l’art, quand la communication ne s’établit pas au moyen d’une émotion esthétique mais d’un raisonnement, et la notion classique d’œuvre d’art appliquée aux arts plastiques. |