Rappelez vous le début des années 90: vous étiez top à la page : vous aviez vos Use Your Illusion 1 & 2 des Guns ainsi que le Black Album de Metallica. Vous ne crachiez pas sur un p’tit Scorpion, et allons y gaiement, vous trouviez que le dernier Megadeth déchirait grave
A l’époque, vous n’étiez encore qu’un petit merdeux en classe de troisième dans ce que vous considériez être un village de ploucs, et vous vous preniez pour un cador. On ne vous la faisait pas. D’abord, vous reveniez d’un voyage linguistique en Allemagne, et dans la Ruhr, le métal était roi. Et puis le jean serré et la permanente blond vénitien cartonnaient sur MTV .
A votre arrivée en seconde, au Lycée saint Jo de Lamballe, ça se complique. Vous écoutez de moins en mois vos albums de métal. Vous remarquez assez vite ça n’impressionne pas les filles. Vous avez essayé de passer le Black Album à Stéphanie, la petite blonde raffinée que vous convoitez depuis septembre… Elle trouve que le métal c’est pour les beaufs… Elle préfère les Beatles et Bob Dylan… Vous lui répondez qu’il est hors de question d’écouter les mêmes trucs que votre père. A l’époque votre niveau de connerie est impressionnant.
Heureusement, votre salut passera par Emmanuelle Maubert, une fort sympathique élève de seconde, originaire de Saint Potan, bled archi paumé des Côtes D’Armor. Mais Manue avait ses entrées dans le petit monde de la musique à Rennes (elle était déjà allée au transmusicales, wahou !!!!!) et en novembre 2001, elle nous ramène la cassette d’un groupe qu’il faut absolument écouter : Nirvana.
Un soir, après les cours, en révisant un cours de physique passionnant, vous calez Nevermind dans le double cassette gracieusement payé par mamie pour votre grande communion. Et là, vous prenez la claque de votre vie. Un vrai dépucelage musical. Dorénavant, plus rien ne sera comme avant. Déjà, fini de tanner maman pour le Hardos mag du mois. Vous passez à Best, c’est nettement plus classe et ils parlent de groupes qui sont visiblement super potes avec Nirvana : Sonic Youth, Dinosaur Jr, Pavement, Les Pixies et Sebadoh.
Justement Sebadoh devient rapidement votre marotte, surtout les albums Bubble And Scrape, Vs Helmet et Rocking The Forest. Le chanteur, Lou Barlow, est un grand névrosé de première qui n’est pas toujours sympa avec les filles mais qui aiment bien pleurnicher sur son sort. Et ça tombe bien car vous êtes un peu pareil.
Donc quand Stéphanie vous annonce qu’elle vous quitte, les paroles misérabilistes de Lou Barlow vous remontent le moral… Ce n’est que beaucoup plus tard à la Fac que vous ferez l’acquisition de Sebadoh III, en promo à la Fnac de Rennes à 49 francs…
Aujourd’hui on reparle de cet album culte mais ça vous a toujours échappé. Il est nettement moins culte que Bubble And Scrape en ce qui vous concerne. Pourtant, ce disque foisonne d’excellents morceaux, notamment "The Freed Pig", savant mélange de mélodie impeccable et de guitares bien dégueulasses et qui jouent vaguement juste… Une des marque de fabrique du groupe, avec le label Lo-Fi…
La semaine dernière vous avez d’ailleurs retrouvez la cassette des meilleurs morceaux de Sebadoh III que vous aviez concoctée en 95. Il y en a dix au total (sur vingt trois). Vous aimiez surtout "Spoiled" balade vénéneuse et bande son idéale de votre rupture avec Steph’.
Quinze ans plus tard, vous recevez une version "deluxe" de Sebadoh III à chroniquer. Quelle riche idée ces rééditions deluxe!!! Racheter un Cd que vous aviez déjà… Vous n’avez pourtant pas changé d’avis : Sebadoh III reste à votre avis bien en dessous de Bubble And Scrape.
C’est un bon album, mais son statut d’album culte vous échappe toujours autant. D’ailleurs vous avez noté les meilleurs morceaux et comparez avec votre compile "best of" de 95 : c’est la même. Et puis le grand moment de cette réédition reste sans conteste "Gimme Indie Rock", présent sur le deuxième disque de cette nouvelle mouture . Ce brûlot punk grunge n’avait d’ailleurs à l’époque rien à envier aux hymnes nerveux de Nirvana, mais Sebadoh restera à jamais une sorte de Poulidor du Grunge…
Pour le reste, vous pourrez entendre Lou Barlow alterner le meilleur (trop rare) et le pire (souvent) de ses sessions 4 pistes sur les dix huit titres "bonus" du deuxième CD. |