Une heure avant le dernier
concert de la tournée européenne de HiM, nous avons rencontrés
Doug Scharin, batteur talentueux et "bidouilleur" de génie,
créateur et leader du groupe. Il nous a accueilli avec cette chaleur
amicale dont les américains ont le secret et a évoqué la
genèse du groupe, du recording project d'un fan de dub rasta au groupe
d'amis et de musiciens émérites qui constituent aujourd'hui HiM.
Pourquoi avoir choisi ce nom, HiM ?
Il s’agit de l'acronyme des rastafarians, His Imperial Majesty,
pour désigner l’empereur d’Ethiopie Hailé Sélassié.
J'ai choisi ce nom au début du projet car j'étais très
influencé à l’époque par la musique rasta. Quand
j'ai commencé ce projet c'était un projet solo pour expérimenter
des techniques d'enregistrements, des techniques du dub. Il s’agissait
d’un nom respectueux pour les traditions.
Il s’agissait d’un projet solo ?
Non même si je faisais beaucoup de choses seul, il y a toujours
eu beaucoup de contributions extérieures. J’ai toujours demandé
à mes amis de m'aider de temps en temps... c'était un "recording
project" ...
Comment avez vous choisi les huit musiciens qui forment maintenant le groupe
?
Sur cette tournée nous sommes seulement 7 mais nous avons étés
9 pendant la tournée aux USA. HiM a démarré avec cinq puis
six musiciens. Puis nous avons rencontré un trio à Chicago. Après
avoir fait connaissance, beaucoup parlé avec eux, nous les avons intégrés
au groupe.
HiM comprend deux batteurs ?
Oui oui, Adam Pierce joue de la batterie, des xylophones (marimba)
et de la guitare.
Le chanteur Christian Dautresme vous accompagne aujourd’hui ?
Oui oui, il est né en Normandie d'ailleurs. C’est celui
que je connais depuis le plus longtemps mais il a encore jamais joué
live avec nous. Nous nous sommes rencontrés il y a des années
lorsque nous habitions Brooklyn. Nous sommes de vieux amis. Il a déjà
chanté en français sur les 2 premiers albums de HiM.
A propos de l'autre groupe HIM ? (NDLR : groupe finlandais gothique)
Oui il y a un autre groupe qui s'appelle HIM (rires).C'est
moi qui est pris le nom le premier. Mais eux sont super connus, sont sur un
gros label, surtout en Europe. C'est un peu gênant parfois pour le public
qui pense aller voir l'autre HIM et qui vient à nos concerts. Parfois
on voit des gens gothics venir à nos concerts c'est amusant. Hier à
Nantes 2 personnes sont venues comme ça, on a parlé avec eux,
on leur a dit qu’ils pouvaient rester et ils sont restés :). A
Bruxelles aussi on a fait un show télé et il avait pas été
précisé de quel HIM il s'agissait alors dans le public les gens
s'attendaient à l'autre HIM . C'est un peu étrange. Il sont très
connus et ont beaucoup d'argent derrière eux. Mais bon on s'en fout,
je n'ai pas envie de m'impliquer dans des histoires de procès, d'avocat,
c'est bon comme ça, on verra bien ce qui se passe.
Si vous ne viviez pas à Chicago auriez vous fait la même
musique? La ville a-t-elle eu une influence sur vous ?
Pour moi Chicago c'est un endroit merveilleux où vivre. Je ne
suis pas très branché sur la musique de Chicago à proprement
parler mais il est probable que je n'aurais pas fait ce genre de musique si
je n'étais pas de Chigaco car ce sont les gens avec qui je joue qui ont
l'influence la plus directe sur ma musique et ces gens viennent pour partie
de Chicago donc le style de jeu etc.. est important, notamment le bassiste et
le trompettiste qui sont tout deux de Chicago et jouent dans plusieurs groupes
très différents. Le trompettiste joue beaucoup de free jazz notamment.
Il apporte ainsi ses influences jazz dans le groupe. Quelques soient les disques
que je puisse acheter, vous voyez... mes influences majeures viennent de l'endroit
où je vis, forcément de la musique que je fais finalement..
A propos d’influences musicales, quelles sont-elles ?
Elles sont très nombreuses : le reggae, le dub, une influence
capitale, quand j'étais enfant ...j'avais 11 ans et le petit ami de ma
mère était musicien, à New York et il jouait avec Bill
Laswell. Alors j'ai rencontré ces gens, j'assistais aux enregistrements
en studio. Et puis je les ai rencontrés à nouveau plus tard. Je
suis aussi influencé par la scène musicale du New York "downtown"
Cela explique pourquoi notre chroniqueur (NDLR : chronique
de PascalR pour "Many in high places are not well" ) a mentionné
Bill Laswell sur sa chronique de votre dernier album…C’était
une bonne influence ?
Bien sûr. Il était très gentil avec moi, il m’emmenait
aux séances d’enregistrement... c'était des gens super sympa,
des musiciens fabuleux, Tony était à la batterie et il m'a transmis
beaucoup de son expérience.
Au début, votre projet solo était axé sur le dub. Quelle
a été votre évolution entre vos débuts et maintenant
? Du dub à la fusion-music, au jazz ?
Pour moi, quand je prend le temps d'analyser cela, dans un sens intellectuel,
je pense que chaque disques fait partie d'une évolution naturelle, cela
a un sens d'un disque à l'autre en fait. Alors bien sur il y a des étapes
plus importantes que d'autres mais globalement les nouveaux enregistrements
subissent l'influence des anciens. C'est vrai que maintenant à 9 c'est
devenu très jazz, car c'est une grosse influence sur chacun des 9 membres.
Tous les membres contribuent à l’écriture ?
Oui oui du début à la fin. Même si c'est moi qui
mixe la version finale. Sur cet album cela s'est passé ainsi, on jouait
plein de trucs, des idées ramenées par tout le monde, et puis
on disait il manque un truc ici, on va rajouter une partie de guitare là
ou bien des voix (Par Christian). Tout s'est fait très naturellement
en un sens. D'une certaine façon ce disque s'est fait tout seul, nous
avons navigué naturellement dans cette direction..
Et qui est a l'origine des morceaux au départ ?
Cela peut être moi, mais cela peut être le guitariste ou
n'importe qui, on va jouer deux nouveaux morceaux ce soir pour tester ... tout
le monde contribue, ça peut être l'idée d’une personne,
de 2, parfois de tout le groupe. Et puis il s'avère que les musiciens
me font suffisamment confiance pour me laisser donner la touche finale.
HiM au départ consistait en une démarche technique ou intellectuelle
?
Technique, essentiellement technique. A l'époque je tournais
énormément avec June of 44 et Rex et j'avais très peu de
temps libre et quand j'avais quelques instants, quelques week end de répit,
je bricolais à la maison sur les techniques d'enregistrement avec très
peu de matériel, des trucs très simples. Et puis de fil en aiguille,
le label qui produisait Rex a écouté mes enregistrements et a
aimé et en a fait un disque. Mais au départ c'était vraiment
purement technique. Je n'avais vraiment pas l'intention d'en faire un disque.
Vous êtes batteur. Avez-vous appris à jouer seul ?
Oui tout seul. L’ami de ma mère était batteur,
il a dû me donner 4 ou 5 leçons mais par la suite j'ai tout appris
moi même
Y a-t-il une filiation entre les groupes Codeine, June 44, Rex, dont vous
avez été membre, et HiM ?
Hmmmm en fait, ce sont des groupes totalement différents mais
bien sûr le point commun c'est que c'est toujours moi qui joue. J'ai appris
de chacun de ces groupes, la façon de sentir la musique, le feeling,
l'approche de la musique est identique, l'approche de la façon de jouer
de la batterie, même si le fond est différent.
HiM est devenu votre principal projet maintenant ?
Oui c'est le plus important sans doute.
Comment partagez-vous votre temps entre la musique, ton boulot de producteur,
les autres groupes avec lesquels vous jouez ?
Eh bien en effet, entre les moments où je n'écris pas
de la musique ou bien quand je ne suis pas en tournée, j'enregistre certains
groupes mais je ne suis pas vraiment leur producteur, et puis je joue aussi
avec Mice Parade, le groupe de Adam Pierce. Je joue de la batterie sur le nouveau
disque de Mice parade, et peut être que je partirais en tournée
avec eux. Et puis l'année dernière je suis devenu papa alors je
m'occupe essentiellement de ma petite fille maintenant.
Dans quel pays êtes-vous le mieux accueilli avec HiM ?
En France, vraiment, c'était super hier à Nantes et la
veille à Bordeaux c'était vraiment très bien. C'est en
France que nous avons fait les plus grands concerts, en Espagne aussi cela se
passe bien. En Italie nous n'avons fait qu'un seul concert à cause de
la tempête et les gens venaient de Bologne notamment pour nous voir .
Mais la France c'est vraiment bien.
Et à Chicago ?
Et bien nous n'y jouons pas tant que cela, déjà parce
que certains membres du groupes vivent à New York, d'autres à
Washington, donc nous jouons à Chicago dans le cadre d’une tournée
aux Etats Unis mais pas plus, soit on tourne sur la côte est, soit sur
la côte ouest et on essaie de mettre Chicago comme dernière date.
Votre album est très travaillé, très produit, comment
cela se passe en live ??
Ah vous trouvez? merci...
Et bien, en effet en live on retravaille les morceaux, c'est aussi plus puissant,
même s’il y a 2 batteurs sur le disque, c'est mixé, c'est
différent. En live il y a plus d'énergie.
Le fait est aussi que nous enregistrons le disque et ensuite nous partons jouer
nos morceaux live (même si ils ont déjà été
joués live avant l'enregistrement du disque). Aujourd’hui c'est
notre dernier concert de la tournée et pendant les 25 jours de la tournée,
la musique a eu le temps d'évoluer, de changer. Il faut dire que comme
on vit dans des endroits très éloignés ce n'est pas facile
de jouer souvent ensemble et c'est donc pendant les tournées que les
morceaux vivent, évoluent...
Sur le prochain album ce sera d'ailleurs assez différent, plus live dans
l'esprit ; on a déjà des nouveaux morceaux.
Jouez-vous toujours la même setlist ?
Non pas du tout, on expérimente, on change, on voit si c'est
bien ou pas. Il y a eu 3 soirs sur cette tournée où c'était
impeccable, en Allemagne par exemple. On ne change pas énormément
la setlist mais le premier soir était mieux que le second.
Vous dites que vous jouez surtout les chansons après l'enregistrement
de l'album contrairement à certains groupes pour qui l'album appartient
déjà du passé ?
Oui c'est un concept que je comprend et même parfois j'aimerais
bien faire la même chose, tourner avant la sortie de l'album mais les
circonstances font que ce n'est pas tellement possible .
Trouvez-vous du temps pour écrire de nouvelles chansons ?
Oui , en tournée. Nous écrivons régulièrement
des nouveaux morceaux et on les joue live. On fait une autre tournée
d'ici 2 mois et on aura à ce moment là 4 ou 5 nouvelles chansons,
ce soir nous en jouons 2 déjà.
Vous allez avoir de quoi faire un autre album très vite alors ?
Oui tout à fait, en plus on enregistre nos concerts tous les
soirs comme cela on peut réécouter, voir ce qui marche, ce qu'il
faut revoir...
Vous jouez dans Mice Parade dont l'album va sortir bientôt. Reviendrez-vous
avec eux en tournée en Europe ?
C'est possible en effet que l'on fasse une petite tournée de
15 jours en Europe en première partie de Mùm sans doute au printemps,
fin mai peut être, mais je ne sais pas encore où la tournée
passera.
Et donc un nouvel album de HiM pour bientôt ?
Et bien si nous arrivons à l'enregistrer d'ici la fin du moins
de février j'espère pouvoir le sortir d'ici la fin 2004, autour
d’octobre ce serait bien..
C'est bientôt mais sans doute qu’aux Etats Unis cela fait plus
longtemps que votre album est sorti ?
Non pas du tout il est sorti 2 semaines plus tard qu’en Europe.
Votre fille joue aussi de la musique ?
Et bien elle n'a que 15 mois mais quand elle s'assoit à la batterie
elle sait déjà taper avec les baguettes assez bien, chaque élément
l'un après l'autre et puis on a maintenant un piano, ma femme est pianiste,
et elle est très intéressée aussi par ça ... ce
sera une grande musicienne…
D’où vient le titre de votre dernier album, contient il un
message?
C'est assez cynique, sur l'époque dans laquelle nous vivons
et spécialement ce que nous vivons aux Etats Unis (rires)
Si vous ne disposiez que de trois mots pour caractériser votre musique,
quel serait votre choix ?
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