Comédie dramatique de Yasmina Reza,
mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia
avec Maurice Benichou, André Marcon, Yasmina Reza et Christèle Tual.
De l’influence du pelage des oranges et de la robe de chambre sur la déliquescence du couple, de la divergence existentielle révélée par le mode de dégustation de la fraise (à la cuillère ou à la fourchette) et de la planche de salut que constitue la luge d'Arthur Schopenhauer pour dévaler cette descente vers le gouffre.
Naufrage de la vie, naufrage du couple, impostures intellectuelles, déchéance inéluctable vers la mort, avec sa perception tragique du monde qui n'exclut pas la légèreté, Yasmina Reza dissèque et puis conclut par une étonnante définition de la frivolité.
Sur scène, Yasmina Reza croque à belles dents, comme les sticks d'Alsace qu'elle dévore avec élégance, l'intellectualisme ambiant. Qui mieux qu’elle pouvait interpréter l'épouse d'Ariel Chipman, cet universitaire spécialiste de Spinoza est confronté à la question de l’imposture quand il se rend compte que la philosophie qu’il a enseigné ne lui est d’aucune aide, ni pour lui ni pour les autres, des autres au demeurant célébrissimes comme Althusser ou Deleuze face à la dépression.
André Marcon fait une incarnation burlesque et savoureuse d'Ariel Chipman face à l'ami Serge Othon-Weil, Maurice Benichou, impertubable et affable, qui apporte des oranges et des framboises dans un sac plastique de supérette. Et puis il y a la psychiatre, figure emblématique du temps et de la mort, interprétée par Christèle Tual.
Le quatuor monologue sur tout et rien et est dirigé avec finesse par Frédéric Bélier-Garcia qui a su déchiffrer la partition de l'écriture de Yasmina Reza pour en restituer cette petite musique qui n'appartient qu'à elle.
C’est éminemment drôle, cocasse, tendre, caustique, subtil et furieusement intelligent. Et prodigieusement amusant car les intellectuels sont finalement des gens bien ordinaires. |