Qui ne connaît pas les dessins animés de Walt Disney qui depuis 1937 ont abreuvés des générations d'enfants mais aussi d'adultes en donnant au dessin animé une audience universelle ?
"Parangon de la mièvrerie et du divertissement populaire pour les uns, conteur de génie pour les autres" dixit Bruno Girveau le commissaire de l'exposition, Walt Disney a contribué à donner ses lettres de noblesse au dessin animé, genre balbutiant souvent considéré comme mineur, pour l'ériger en un art à part entière capable de rivaliser avec les productions cinématographiques hollywoodiennes.
"Il était une fois Walt Disney" qui reprend la célèbre phrase introductive des contes de fées, retrace l’étonnante genèse d'une aventure artistique, devenu modèle de la culture américaine de masse, doublée d'une exceptionnelle réussite commerciale qui n'est pas sans soulever des polémiques.
Car Walt Disney a fait preuve de génie. Et à un triple titre. A la richesse iconographique européenne il a su allier le talent d'une équipe d'artistes cosmopolites pour créer des films pluri-générationnels.
En premier lieu, évident, direz-vous, mon cher docteur Watson, mais il fallait néanmoins y penser, il a compris que ce n'est pas dans la trop jeune Amérique qu'il fallait puiser mais dans la littérature et le conte européens qui constituaient le terreau commun et quasi universel tant pour l'Europe que pour les américains eux-mêmes enfants de migrants venus de cette vieille Europe, pour les transposer et en faire un produit de surcroît totalement exportable.
Clairvoyance aussi que de connaître ses limites et de savoir s'entourer d'artistes, aussi bien des peintres, des dessinateurs, des illustrateurs que des sculpteurs, formés dans des académies européennes qui maîtrisaient leur art .
Enfin, fédérer les générations en proposant des films qui intéressaient autant les enfants, cible première, que les adultes par ses références littéraires et cinématographiques.
Car il y a plusieurs niveaux de signification des contes de fées et ce qu'écrit Bruno Bettleheim dans "Psychanalyse des contes de fées", ont une fonction constructive et thérapeutique : "L'enfant a besoin d'être rassuré par l'image d'un être qui malgré son isolement est capable d'établir des relations significatives et riches en récompenses avec le monde qui l'entoure." est également applicable aujourd'hui à l'adulte.
Cela étant, l'exposition se concentre sur les longs métrages d’animation produits sous la direction personnelle de Walt Disney pendant 40 ans, de "Blanche-Neige et les Sept Nains" au "Livre de la Jungle", pour explorer les sources d’inspirations et apprécier les parts respectives de l’emprunt et de création à partir des documents préparatoires à la réalisation des films, dessins, maquettes et figurines, de l’immense fonds documentaire réuni par Walt Disney lui-même ainsi que des oeuvres d’artistes dont certains, tels Honoré Daumier, Gustave Moreau ou Gustave Doré, sont très connus.
Cela donne une exposition qui, simultanément, entraîne le spectateur vers un parcours nostalgique sur les rivages de l’enfance et une découverte ludique de l’illustration du précepte que "rien ne vient de rien" tout en l’incitant à la réflexion sur la définition et l’évolution des notions de culture et d’art.
La scénographie de l'atelier Mendini, couleurs primaires, avec une dominante de rouge et de vert, vitrines modulaires pailletées or pour présenter livres et objets, encadrements ludiques, éclairage tamisé et unidirectionnel, projections sur écrans suspendus, est conforme à l'iconographie du dessin animé destiné aux enfants et se pose en contrepoint du sujet de l'exposition qui présente, en 7 sections thématiques, livres, peintures, illustrations et objets.
Le visiteur est accueilli par Mickey et Minnie car le premier court métrage sonore d'animation de Walt Disney "Steamboat Willie" réalisé en 1928 met en scène la célébrissime souris et découvre la première équipe de Walt Disney à l'origine de cette aventure qui leur rapportera de nombreux Oscar.
Walt Disney a constitué un impressionnant fonds documentaire , notamment d'éditions du XIXe siècle et du début du XXe siècle, constitué de fables, de contes (d'Esope à Grimm, Perrault et Collodi) et aussi d'illustrations (de Grandville, Gustave Doré et de nombreux illustrateurs allemands tel Heinrich Kley).
À côté de l’iconographie des fables illustrées, Walt Disney puise également dans le cinéma, qu'il soit américain ou européen, et revisite tous les genres de la noirceur de l'expressionisme européen à l'esthétique d'opérette de la comédie hollywoodienne.
Ainsi les films populaires américains comme "Les temps modernes" de Charlie Chaplin ou "Steamboat Billy Jr" de Buster Keaton sont clairement parodiés dans les premiers courts métrages de Disney.
Pour les longs métrages, Disney s'inspire tant en la forme au fond de cinéastes allemands comme Murnau, auquel il emprunte non seulement la fameuse ombre portée ("Fantasia") mais également les thématiques telles l'opposition manichéenne du village et de la ville ("Une Nuit sur le mont Chauve") et la confrontation de l’homme avec l’immensité de la nature ("L'apprenti sorcier"), et Fritz Lang dont on retrouve de fortes similitudes avec "Métropolis" dans "Fantasia" et "Blanche-Neige et les Sept Nains" .
Pour ce dernier, il s'inspire également des comédies de George Cukor ("Roméo et Juliette") ou de la version de Roberto Castellani pour "La Belle au Bois Dormant".
Les personnages de Walt Disney évoluent dans des paysages et des décors choisis et élaborés avec grand soin qui contribuent pour beaucoup à l'atmosphère du film et auxquels une salle est consacrée.
Totalement repensés, ils s'inspirent des lieux réels et des époques diverses les plus appropriés, de la stylisation des primitifs à l'extravagance néo-gothique.
Influencé par les illustrateurs célèbres, de Gustave Doré à Beatrix Potter, Walt Disney pratique l'antropomorphisme, qu'il érige en marque de fabrique, de manière ambivalente.
Souvent bienveillant, il peut devenir totalement effrayant comme la nature humaine dont il s'inspire.
Ensuite, au fil des salles, le visiteur pourra découvrir la technique utilisée pour caractériser les personnages selon une typologie manichéenne sans ambiguïté.
Les personnages résultent souvent d'une superposition d'images. Ainsi "Blanche-Neige" est l'hybride des actrices Janet Gaynor et Shirley Temple et de figures de l'Art nouveau européen.
"Pinocchio" est inspiré par les illustrations d'Attilio Mussino et "Dumbo" et "La belle et le clochard" forcent l'antromorphisme alors que pour "Bambi", les studios Disney s'inspirent davantage de la réalité.
Pour "Alice au Pays des Merveilles" inspirée de la peinture de féerie de John Anster Fitzgerald et des "Fleurs animées" de Granville et "Peter Pan", Disney fait appel à un illustrateur inspiré David Hall.
L'univers de Dalí et sa collaboration pour "La Maison du Dr Edwards" d'Alfred Hitchcock qui constitue une source d'inspiration de studios Disney, comme avec le film "Rebecca", ne pouvaient que susciter l'intérêt de Walt Disney.
D'où le projet "Destino" inachevé de leur vivant dont certaines aquarelles sont présentées dans l'avant dernière salle.
Tout a commencé avec une souris et tout recommence avec une souris : car la figure de Mickey devenue emblématique et universelle ("Mickey n'est plus la propriété de Walt il appartient à tout le monde" de Robert Combas) constitue une source d'inspiration de l’art moderne et contemporain du Pop Art à la figuration narrative française.
La figure de Mickey est l’objet d’appropriation, de détournement, de pastiche (Rachel Laurent "Mickey Mondrian"), de réplication et Mickey finit "bouloté" par David Mach ("Mickey Matchhead") !
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