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Interview  (Paris)  25 octobre 2006

A chaque représentation du magnifique spectacle conçu et mis en scène par Christine Farré, "Camille Claudel : 1864-1943", Ivana Coppola ne joue pas mais est Camille Claudel. De l'artiste rebelle, sensuelle et pleine de vie à l'internée lucide qui mourra dans un asile après 30 années d'enfermement. Une performance physique et mentale et un remarquable travail d'incarnation qui ne peut être le fait que d'une comédienne rare.

Nous avons rencontré Ivana Coppola. Une femme subjuguée par la personnalité de Camille Claudel. Une vraie rencontre entre une comédienne et la femme qui a inspiré le personnage.

Vous avez un double parcours commun avec Christine Farré qui est l'auteur et le metteur en scène de "Camille Claudel : 1864-1943" à la fois professionnel et humain. Dans quelles circonstances vous a-t-elle proposé ce rôle ?

Ivana Coppola : Je connais Christine Farré depuis1989 et effectivement nous avons souvent travaillé ensemble. Nous avons appris ainsi à nous connaître artistiquement et humainement parce qu'au bout d'un certain temps l'un ne va pas sans l'autre. Elle m'a proposé ce rôle il y a 2 ans mais je ne suis pas sûre qu'elle ait pensé à moi dès le départ.

Mais vous connaissiez ce projet ?

Ivana Coppola : De manière plutôt implicite. Je savais qu'elle travaillait sur Camille Claudel mais cela ne m'avait pas vraiment interpellé d'autant qu'à ce moment j'étais moi-même dans autre chose. Elle a fait un très gros travail pour choisir des textes parmi une correspondance très dense et surtout en trouvant un fil conducteur qui soit le plus signifiant par rapport à l'œuvre de Camille Claudel mais aussi par rapport à sa famille.

Elle est également parvenue à éviter le piège qui consiste à défendre une thèse.

Ivana Coppola : Oui, pour éviter trop de subjectivité tout en étant au plus près de cette femme. Elle a voulu avant tout la rigueur dans le sens biographique et dans le sens où ce sont des lettres qui énoncent une certaine vérité. Après on peut les traduire, lire entre les lignes de manière subjective mais rien n'est ajouté.

Et elle vous a proposé ce rôle.

Ivana Coppola : Je me souviens très bien du jour où cela s'est passé. Nous étions rue Mouffetard et je revenais de vacances avec la tête encore un peu ailleurs. Elle m'a proposé le rôle en me demandant d'y réfléchir et elle m'a rappelée 8 jours après. J'ai naturellement accepté mais sans vraiment savoir où je mettais les pieds.

C'est ce que j'allais vous demander car Camille Claudel est d'abord une personne qui a existé et dont le destin est tragique.

Ivana Coppola : Sur le moment je ne me suis pas rendue vraiment compte. En commençant à travailler, en me plongeant dans la correspondance de Camille Claudel et le magnifique livre de Jacques Cassar, et, au fil des répétitions que je me suis rendu compte du cheminement et c'était : "Waouh!".

"Waouh" de l'étonnement, de la découverte, de la question "par où vais-je commencer" ?

Ivana Coppola : C'est un peu de tout cela et surtout par ce qu'il s’agit d'un monument et d'une personne qui a existé. Donc c'est complètement excitant et passionnant. On se replonge dans une époque, dans des univers. Et puis il y a le rapport à la terre à la matière ce que j'aime beaucoup. Cet aspect physique, l'odeur de la glaise, des ateliers qui sont des choses très concrètes qui me réjouissent complètement. Ce qui ressort, malgré le destin tragique de cette femme et de l'énorme travail qui a été accompli, c'est le plaisir. Elle éprouvait, je pense, un énorme plaisir à travailler sinon ses sculptures ne nous toucheraient pas autant. Le plaisir dans l'art.

Et j'ai plongé à deux mains, à deux pieds, complètement à la recherche de cette femme et avec parfois de la peur. Et ce qui est magique par rapport à ce personnage - et c'est la première fois que cela m'arrive - c'est l'impression qu'elle est là, quelque chose de son âme qui m'accompagne, me tient la main. Et tous les soirs il en est ainsi. Alors bien sur c'est très curieux et pas du tout cartésien.

Cela peut même prêter à rire mais peu importe, il s'agit vraiment d'un ressenti profond. Quelque chose qui se passe en moi que je ne sais pas et que je ne veux pas expliquer. Comme une fibrillation. Un point de rencontre avec quelque chose là haut. Ce rôle a demandé beaucoup de travail et même encore maintenant je retourne au musée Rodin, je relis la correspondance de Camille Claudel. Ses photos, sa bouche, ses yeux m'ont beaucoup parlé et aidé.

Et avant chaque représentation, je me prépare comme un sportif. Il me faut une heure et demie, deux heures c'est l’idéal, devant moi pour faire la sculpture et me préparer physiquement en me faisant des assouplissements, des massages au niveau des cervicales au niveau de points d'énergie. Ce qui est important pour ce personnage est d'être enraciné c'est-à-dire avoir les pieds dans la terre.

Quand on travaille sur la folie, l'énergie doit être canalisée et placée dans certains points sinon on peut déraper et partir en vrille. Je frappe le sol avec la plante des pieds pour avoir des points d'ancrage dans la réalité. Je fais du travail de respiration, du yoga, du tai shi. Si j'arrive plus tard une fois je peux compenser mais ce ne serait pas possible davantage.

Et ce qui est également très important pour moi c'est le fil qui est tendu entre tous les personnages, tous ces hommes qui entourent et parlent de Camille Claudel. Je dois être en écoute avec ses voix et ces énergies d'hommes et cette énergie doit être toujours présente et passer entre tous les personnages de manière que les personnages tiennent debout.

Ce fil est tendu me fait penser au fil de l'araignée que tisse les gens autour d'elle et en même temps elle est aussi l'araignée qui est très prédatrice.

Ivana Coppola : Complètement. Camille Claudel était quelqu’un de tyrannique, une personnalité forte, une furieuse et une colérique qui voulait toujours avoir le dernier mot. Je relis le livre de Dominique Bona "La passion Claudel" et cela y est rappelé. Ce n'est pas une victime du moins dans sa période créatrice. Elle ne voulait faire aucune concession et pourtant elle a été reconnue de son vivant mais elle n'était pas mondaine et n'allait pas dans les dîners mondains.

Ce que faisait Rodin et qu'elle lui reprochait, et c’était aussi dans les salons que s'acquérait la notoriété. Quand elle avait envie de dire non elle ne regardait pas à la qualité des interlocuteurs et cela lui a sans doute nuit au plan professionnel. Il y a eu les trente années d'asile et les lettres qu'elle y écrivait sont d'une lucidité incroyable, glaciale. Elle était tout à fait consciente de ce qu'elle y vivait.

La personnalité de Camille Claudel est très séduisante et attractive. On parle souvent du tandem génie-folie qui donne des personnalités fascinantes. Vous parliez de votre amour pour la matière d'une manière qui laisse à penser que vous connaissez ce milieu ou ce rapport à la terre et à la sculpture ?

Ivana Coppola : C'est un hasard total mais j'ai effectivement toujours été très attirée par la sculpture et, il y a quelques années, j'ai pris des cours dans un atelier pendant deux ans à raison de deux fois deux heures par semaine. Je me souviens que j'attendais avec impatience chaque séance et j'aurais volontiers passé la journée entière dans l'atelier. C'était de l'ordre de la jouissance totale.

Vous parlez de "hasard total" et cela appelle la phrase "Il n'y a pas de hasard". Vous étiez peut être prédestinée à jouer ce rôle. Rôle que vous avez pris à bras le corps et dans lequel vous êtes extraordinaire notamment dans cette métamorphose physique et mentale qui intervient sur scène en "accéléré". C'est le travail d'incarnation du comédien mais j'ai néanmoins envie de vous demander si on en sort indemne en l'occurrence ? Y a t-il une potion qui, comme celle du docteur Jekyll, vous ramène à vous-même ?

Ivana Coppola : La potion consiste en un petit verre de vin rouge (rire). Cette question m'est très fréquemment posée. Et j'ai été très étonnée au début car après le spectacle je dois prendre une douche puisque je suis couverte de glaise. Le fait de se laver, de se mettre de la crème odorante, physiquement s'apparente à une remontée à la surface. Un peu comme un plongeur qui remonte par étapes. L'accueil des gens, les applaudissements du public permettent déjà de remonter car c'est le comédien qui vient saluer et non le personnage.

Et puis ensuite, je vais mouiller ma terre pour qu'elle ne sèche pas, je suis déjà dans la représentation du lendemain et je n'ai pas le temps de me poser des questions. Je prends ensuite ma douche assez rapidement pour être disponible avec les personnes qui m'attendent.

Donc j'entre et je sors de ce personnage de manière assez évidente. Je ne suis jamais retrouvée chez moi avec des angoisses. Et c'est bien parce qu'au départ on ne sait jamais comment cela se passera quand on côtoie une folie qui est assez profonde. Il m'est arrivé une ou deux fois sur scène de prendre peur en sentant que je pouvais me perdre.

La douche me fait penser à une question que je voulais poser à Christine Farré et que j'ai oublié dans le feu de la conversation. Dans ce spectacle l'eau est très présente. Y a-t-il un symbolisme précis ?

Ivana Coppola : Je ne pense pas mais je sais que Christine Farré aime bien le bruit de l'eau comme elle aime bien l'orage. En même temps l'eau c'est quelque chose qui permet de mouiller la terre de mouiller le linge pour garder la bonne consistance de la terre pour pouvoir continuer le travail. La présence de l'eau relève donc de l'évidence comme celle de la terre pour ce spectacle.

Y aura-t-il un "après" le Théâtre des Deux Rives ?

Ivana Coppola : C'est encore tôt pour y répondre et cette semaine est déterminante à cet égard car ce sont les dernières représentations et c'est à ce moment-là que des choses se dessinent. Je souhaite vraiment qu’il y ait un "après" pour ce spectacle car je ne me sens pas prête à arrêter cette pièce et ce personnage. Il y quelque chose que l'on n'a pas encore mené à son terme même si on l'a créé il y a 2 ans et joué à Avignon.

S’agit-il d’un sentiment propre à ce spectacle où au contraire un sentiment plus général qui fait que vous sentez quand vous êtes allée au bout d'un rôle ?

Ivana Coppola : C'est encore particulier à ce spectacle. Je pense que ce personnage doit encore grandir et le spectacle doit encore exister dans sa globalité.

Avez-vous d'autres projets ?

Ivana Coppola : Ce rôle est très prenant et je ne me sens pas trop disponible pour autre chose. Je n'ai pas d'autres projets pour le moment et je n'y pense pas.

Tous vos propos confirment qu'il ne s'agit pas d'un personnage neutre

Ivana Coppola : Camille Claude avait une forte personnalité. Elle était vraiment là et il faut vraiment être là pour elle. On ne peut pas être à moitie dans Camille Claudel !

 

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La chronique du spectacle "Camille Claudel : 1864-1943"


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