2006 est l’année des Charlottes, et de leurs fraises respectives, toutes là sur le devant de la scène. Il y a les connues, les filles de, il y a les actrices dans les navets désolants beaufs, les autres ridées dans des comédies. Il y a tout un monde de Charlotte, prêt à éclore, Gainsbourg, De Turckeim, Rampling, etc…
Il y a Charlotte Etc, nouvelle venue dans le monde éphémère des réalités musicales. Tout un univers en apesanteur qui ne demandait qu’à naître, et qui se matérialisait ce lundi à l’Espace Jemmapes par un concert d’ouverture pour l’intronisation de la nouvelle dame. A cheval entre chanson française et anglo-saxonne, le travail de Charlotte Etc vient de loin, il vient du cœur, et les spectateurs en ont pris ce soir, plein les coronaires.
Une soirée de lancement donc, pour rappeler aux invités que Charlotte Etc n’est pas novice (deux albums à son actif) et maîtrise bien sa petite entreprise, en duo depuis 2002 avec le guitariste - bluffant - Yann Féry.
Non, décidément, les chansons se suivent et ne se ressemblent pas, s’entremêlent, comme ce "Convoi" aux accents de guitares en reverb’ incomparables, la voix de Charlotte minaudante, les accords se déchirant dans l’air. Ni rock ni pop. Ni variété ni chanson. Ni dieu ni loi.
La folie douce de Charlotte se traduit par une scénographie qui mêle chanson et happenings théâtraux, mis en scène par Yan Allegret. La voir promouvoir l’espace Jemmapes, s’interroger sur les thèmes des chansons ("Au final c’est toujours un peu pareil, toujours les mêmes histoires d’amour, qui marche, qui marche pas").
Spectateurs touchés. Touchante. La dame a plus d’une chanson dans son sac, et "Nous ne savons plus" le confirme, fureur des mots qui bousculent sur le palais, et des qualités vocales impressionnantes.
La composition minimaliste du duo en scène fait tout et le reste, et les chansons entendues avant le live sont clairement éclipsées par les nouvelles, Face à la crise en tête, gueule de tube. Le gimmick "Il faut vraiment que je te dise, je suis éprise" marche à merveille.
Le concert suit son cours, le spectateur s’enfonçant dans le fauteuil devant le charisme débordant de la nouvelle venue. On devine les tentations anglo-saxonnes de la belle et de son Johnny Greenwood de guitariste, tous deux portés sur "Heavenly yours" comme sur un enfant en croissance.
Et se ballotant à nouveau sur "Label Société", un poil moins convaincant que sur disque, en dépit de ses qualités indéniables à faire un single sur les ondes. Tout est instant, tout est sur le fil. Charlotte Etc a un boulevard devant elle, et les 2 heures de live de ce soir sont autant de preuves que Bashung et Radiohead ont engendré un enfant de bien belle descendance.
Ultime cadeau à l’assemblée, le duo offre un moment de complicité sur le thème du rappel et du désir, se payant le luxe de philosopher sur les rappels convenus, avant d’enchaîner avec une sublime reprise de Bashung extraite de Fantaisie militaire. Las, la dame est passionnée, intègre en dépit du temps qui passe, parle de choses compliquées avec des mots simples, des paroles douces.
Un cabarêve onirique & roll, entre mélodies et théâtre, toujours juste. Voila la sentence ultime de ce concert qui n’est qu’une promesse de retrouvailles. |