Tragi-comédie de Werner Schwab, mise en scène de Christophe Guichet, avec Nicole Gros, Thierry Chollet et Christophe Guichet.
"Les Présidentes", tragi-comédie violente et noire, est la première pièce écrite par Werner Schwab, écrivain dramaturge autrichien, qui s’est taillé une solide réputation d’auteur subversif et provocateur dans la lignée de Georg Trakl, Thomas Bernhard et Peter Handke, et la première d’une Tétralogie Fécale.
Il montre sa vision organiciste de l’homme, l’homme réduit à son tube digestif, le pâté de foie d’Erna, à ses orifices, le cul et le sexe de Grete, et à ses déjections fécales qui obstruent tout et fournissent le pain quotidien de la petite Marie.
Jouant sur l’inversion des valeurs, il joue aussi avec le verbe qu’il triture comme la petite Marie qui débouche les WC à mains nues pour en sortir des cadeaux cachés, une prose qui évolue toujours entre un lyrisme halluciné et un hyperréalisme dérangeant exhibant les pulsions et expulsant les tabous avec pour levier l’obscénité, mais une obscénité sans érotisme ni pornographie.
C’est terriblement dérangeant même si on n’oublie pas qu’il s’agit d’une représentation, d’une mise à distance, qui entraîne une déréalisation par l’outrance qui doit aussi prêter à rire. Werner Schwab a d’ailleurs énoncé comme principe de lecture de son théâtre : "Les spectateurs doivent être pliés en deux de rire, pour ensuite découvrir soudainement les horreurs cachées en dessous".
La dénonciation sociale, la provocation salutaire et la remise en question du théâtre dans sa capacité à représenter le monde sont jetées à la face du spectateur par trois femmes, dans l’univers glauque d’une cuisine, témoin d’une mystifiante piéta profane, qui sent le pâté de foie, la merde, le sperme rance et le ressentiment. Trois femmes refoulées, affabulatrices, pathétiques, violentes, pratiquant cette logorrhée verbale des malades atteints de dégénérescence cérébrale pour qui le son de leur voix reste la seule preuve tangible qu’ils sont encore vivants.
La mise en scène de Christophe Guichet et l’interprétation des trois comédiens Nicole Gros, Thierry Chollet et lui-même relèvent à la fois du Grand Guignol, du Rocky Horror Picture Show et de la Comédie Humaine. Ils sont excellents à la fois dans la démesure, la folie et la poésie.
Tout est dit. Il ne reste qu’à aller les voir. Très vite. |