Drame d'Henry de Montherlant, mis en scène par Jean-Luc Jeener, avec Philippe Desboeuf, Marta Corton Vinals, Dimitri Fornasari, Sara Viot, Rémi Godement, Eliezer Mellul, Alain Pretin, Jean Tom et Gérard Zimmer.
Dans La Reine morte, Montherlant s’inspire de l’extrême simplicité des tragédies antiques et d’une histoire réelle, celle du destin tragique d’Inès de Castro assassinée sur ordre du roi du Portugal Alphonse IV à la suite de son mariage secret avec le prince héritier, pour traiter de ce qui mène les hommes ces deux forces essentielles et antinomiques que sont le pouvoir et l’amour.
Un roi vieillissant, le roi Ferrante, que le physique et l’interprétation magistrale de Philippe Desboeuf rapproche des inquiétants héros de l’expressionnisme allemand, qui prépare sa succession en organisant le mariage politique de son fils unique héritier du trône avec l’infante de Navarre voit ses dessins contrariés par un mariage secret avec une roturière, bâtarde qui pis est.
C’est à partir de cette figure emblématique que Montherlant va construire l’une de ses plus belles pièces dans laquelle la force de sa langue transcende les personnages, révèle leur âme dès les premières répliques et scelle leur destin.
Au crépuscule de sa vie, ce roi de douleur, comme il se nomme lui-même, est assailli par le doute. Un doute sourd, taraudant qui est exacerbé par la découverte de ce mariage et la personne d’Inès de Castro, et qui touche essentiellement au choix de vie qui, en privilégiant l’exercice du pouvoir, obère toute chance de bonheur ordinaire. Et qui va jusqu’au bout de cette condition de "bête de proie royale qui pourrait faire grâce et qui tue, et qui enfin, à tuer, se sent roi."
Le pouvoir qui place au dessus de la condition humaine isole et l’amour rime avec impossible, amour paternel pour ce fils qui a perdu la grâce de l’enfance, amour filial pour ce père distant, amour partagé menace pour l’ordre établi. Et puis la figure féminine est toujours doublement déclinée de manière radicale avec l’opposition d’Inès, la femme douce, aimante et maternelle, substitut de la mère de Pedro, un reine morte bien jeune, et l’Infante, la femme de pouvoir aux puissants élans charnels.
Dans la petite salle du Théâtre du Nord-Ouest propice aux huis clos, Jean-Luc Jeener nous entraîne dans les arcanes du pouvoir en privilégiant les scènes d’opposition entre deux personnages au terme d’une mise en scène très épurée.
Des scènes de couleur différente, de la douceur entre le prince et Inès (Dimitri Fornasar et Sarah Viot grâcieuse représentation du couple d’amants intemporels), de la violence entre le roi et son fils, de la compassion entre le roi et Inès, de la sensualité entre Inès et l’Infante, (Manta Corton au tempérament volcanique) qui noue l’intrigue vers son inexorable dénouement. |