Sans doute l’une des meilleures salles de l’agglomération rouennaise tant en terme de programmation qu’en terme d’acoustique, Le Rive Gauche à Saint Etienne du Rouvray accueillait le 21 novembre dernier la chanteuse de jazz Mina Agossi de retour triomphal de New York et de passage dans cette salle qui aime le jazz, la chanson, le théâtre et la danse et que nous allons essayer de suivre tout au long de l’année.
Mina Agossi fait partie de ces voix qui s’impose. Pas par la force, mais par le charisme, par l’attraction, par le magnétisme d’un souffle, d’un feulement, d’un chuchotis.
Mina, dont le trio merveilleux tourne en boucle depuis plus d’un an sur la platine de votre serviteur n’est pas seulement chanteuse.
Elle est également interprète, littéralement interprète de micro, tant son travail autour de la voix se rapproche de la sculpture d’atmosphère, du taillage de son, de l’architecture vocale.
Mina a une présence scénique indéniable, qui libère cette sensualité repérée sur l’album. Elle se courbe pour chercher le souffle juste, cherche au fond d’elle-même le groove adéquat, emplit la scène de son travail vocal en jouant parfois des distorsions et de l’architecture de la musique amplifiée.
Elle est bien aidée. Que ce soit Alex Thiele à la contrebasse ou Ochiro Onoe à la batterie, les deux musiciens coulent un écrin pour la voix tout en gardant la place pour leurs propres envies.
De toute façon, on ne peut pas contrôler Ochiro lorsqu’il est sur scène. On pourrait imaginer à l’écoute de l’album quelque chose de carré et de plutôt propre, ce serait se goberger. Ochiro Onoe est une pile qui aime les levées de batteries lourdes et la grandiloquence dans les chorus. C’est lui qui ouvre d’ailleurs le spectacle avec un long solo de batterie à main nue assez impressionnant.
La complicité suinte dans ce trio et c’est pour le plaisir du public. Mina Agossi joue bien sûr de sa plastique et de sa personnalité mutine mais sans excès, ses musiciens ne se cachent pas derrière elle, c’est une entité une et indivisible.
Mina et son groupe sont à la croisée de plusieurs chemins musicaux : un groove assez moderne, une tradition respectée et donc bousculée et un regard de Chimène vers un rock intelligent et virtuose avec des reprises passionnantes et vibrationnelles de grands standards de Jimi Hendrix, qui a manifestement marqué l’ensemble des musiciens du trio.
A noter, puisqu’il n’est présent sur aucun album, la reprise époustouflante de "Spanish Castle Magic" qui vous en foutrait des larmes aux yeux.
Devant un public finalement pas très jazz, Mina Agossi à force de travail de voix, de minauderies utiles au passage de sa musique et de performance vocale, a retourné la salle au point se s’offrir une vraie communication et un triomphe…
Un triomphe d’ailleurs pour le bonheur du public… Ce rappel avec cette reprise de Billie Holliday sans micro et sans musicien… |