Nelly Kaplan, journaliste, réalisatrice, notamment du film culte "La fiancée du pirate" avec Bernadette Lafont, son premier long métrage tourné en 1969, scénariste, dialoguiste et romancière, a toujours mené de front cinéma et littérature.
Aujourd'hui, une de ses actualités consiste en l'adaptation pour le théâtre sous le titre "Un regard dans le miroir" de l'un de ses romans "Ils furent une étrange comète" dont elle présente une lecture dans le cadre des Soirées Découvertes théâtrales conçues et animées par Xavier Jaillard avec la Société littéraire de la Poste et de France Télécom.
Cette lecture est précédée d'une courte interview de présentation : la flibustière a conservé intacts son humour ravageur et son si joli sourire.
Xavier Jaillard : Vous avez à peu près tout fait. Réalisatrice, bien évidemment et tout le monde le sait. Mais auparavant, vous avez été monteuse, assistante, dialoguiste, auteur et interprète.
Nelly Kaplan : Et journaliste.
Xavier Jaillard : Un parcours riche et atypique. Assistante d'Abel Gance, vous avez également collaboré à un prohramme expérimental en polyvision.
Nelly Kaplan : C'est Abel Gance qui l'avait réalisé en 1927 avec "Napoléon". La polyvision est l'équivalent au cinéma de la polyphonie en musique et consiste à diffuser plusieurs images simultanément à la seule condition qu'il y ait un lien ou une analogie entre elles. Il a inventé le triple écran ce qui permet de raconter une histoire sous trois points de vue différents. Ainsi par exemple dans l'écran central on voit le personnage qui agit, à droite ce qu'il pense et à droite ce que les autres pensent de lui. Il s'agit d'une exemple un peu primaire mais les possibilités de la polyvision sont infinies.
Xavier Jaillard : Vous avez participé à son élaboration ?
Nelly Kaplan : Non, Je n'étais pas née quand Abel Gance l'a inventé (rires).
Xavier Jaillard : Parmi les films que vous avez réalisés on peut citer "La fiancée du pirate", "Papa les petits bateaux", "Néa", "Charles et Lucie", "Patte de velours", "Plaisir d'amour" et ces films sont sortis en coffret DVD.
Nelly Kaplan : Pas tous. Il manque "Patte de velours" et je tiens à rappeler que l'un des personnages principaux de ce film est interprété par Caroline Silhol que je retrouve ce soir pour la lecture de ma pièce "Le regard dans le miroir".
Xavier Jaillard : En effet, vous êtes également une femme de littérature. Vous avez d'ailleurs écrit sous un nom d'emprunt.
Nelly Kaplan : Oui, au tout début. Parce que je venais d'arriver en France et je n'étai pas encore une panthère tricolore. J'étais argentine et quand j'ai commencé à écrire en français avec l'insistance et l'appui d'un grand ami, Philippe Soupault, c'était un peu sulfureux et il m'a dit qu'il fallait être prudente. Car un ministre de l'Intérieur un peu crétin pourrait me reconduire à la frontière. Donc j'ai pris le pseudonyme de Belen. Ensuite, quand j'ai été naturalisée française, j'ai écrit sous mon nom car il faut vivre dangereusement.
Xavier Jaillard : On peut citer "Le réservoir des sens", "Le manteau de fou rire", "Le collier de ptyx", "Aux orchidées sauvages" et vous baignez dans le surréalisme…
Nelly Kaplan : Je ne sais pas si je baigne dans le surréalisme ou si le surréalisme baigne en moi en tout cas j'aime bien tordre le cou à la réalité pour voir ce qui arrive.
Xavier Jaillard : Vous avez fréquenté Philippe Soupault, André Breton, André-Pieyre de Mendiargues et vous avez été illustrée par André Masson.
Nelly Kaplan : J'ai fait un film sur les dessins érotiques d'André Masson qui a été interdit par la censure. Je me suis beaucoup battue pour faire lever la censure et je suis allée voir le ministre de la Culture qui était à l'époque André Malraux. Dans ces dessins il y avait beaucoup de phallus et de vagins et il m'a dit avec son accent inimitable "Coupez tout ce qui dépasse ! ". Ce que j'ai fait et il ne restait plus que trois minutes de film. Et puis le temps passant, l'interdiction a été levée.
Xavier Jaillard : Et votre dernier livre a été publié chez Maren Sell il y a un an et s'intitule "Cuisses de grenouille". Ce soir, il s'agit d'écriture dramatique et nous vous retrouvons pour la lecture de votre pièce "Le regard dans le miroir".
Nelly Kaplan : Je tiens, avant tout, à remercier les comédiens : Caroline Silhol qui est une magnifique actrice de théâtre et de cinéma, Bernard Blancan et surtout Manuel Durand qui a eu l'extrême gentillesse de remplacer au pied levé un comédien qui s'est décommandé à la dernière minute d'une manière un peu cavalière. Voici donc un résumé de la pièce.
Dora et Jean ont tous les deux tragiquement perdus l'être aimé. Quand ils se rencontrent par hasard, ils constatent, stupéfaits, qu'ils sont les presque,sosies des disparus. Après bien des résistances, ils vont s'aimer. Mais le peut-on vraiment quand l'esprit des absents prend possession du corps des vivants ? Dans cette étrange promenade avec l'amour et la mort où quatre esprits habitent deux corps, un chat, grand spécialiste de la physique quantique, apportera sa science et son humour pour aider au dénouement des mystères. Car il s'agit de savoir si quand on meurt c'est pour la vie.
Merci et que la fête continue ! |